L’UE veut des conditions équitables et un bon compromis pour ses pêcheurs

Union europenne – Déclaration de M. Emmanuel Macron, président de la République, à son arrivée au Conseil européen (extraits)

Bruxelles, 15 octobre 2020

(Seul le prononcé fait foi)

(…)

Nous n’avons pas choisi le Brexit, c’est le choix du peuple britannique, et donc préserver l’accès de nos pêcheurs aux eaux britanniques, permettre de trouver un bon compromis pour nos pêcheurs, et je parle de tous les pays d’Europe qui sont concernés, dont la France, est un point important de cette discussion pour nous. Le deuxième élément, c’est d’avoir des conditions équitables entre la Grande-Bretagne et l’Union européenne, c’est-à-dire nous assurer que nous avons un même niveau de jeu pour ce qui est des aides d’État et des réglementations, en particulier sociales et environnementales. Les conséquences du Brexit, cela ne saurait être de créer du dumping environnemental ou social à nos frontières. Sur ce sujet, nous devons aussi trouver un accord. (…) Je vais être très clair. Cet accord ne saurait se faire à tout prix. Si ces conditions ne sont pas remplies, il est possible que nous n’ayons pas d’accord. Nous nous y sommes préparés. La France y est prête. Nous avons pris des textes réglementaires. Nous sommes en train de finaliser les dispositions qui sont à prendre dans tous les secteurs. Le Premier ministre a encore fait cette semaine une réunion de ministres sur ce sujet. S’il n’y a pas des bons termes qui sont trouvés à l’issue de la discussion, nous sommes prêts à un non-accord pour les relations futures. (…)./.

Union européenne - Brexit - Climat - Plan de relance - Turquie - Politique migratoire - Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes, avec le quotidien « Le Monde »

(Paris, 15 octobre 2020)

Q - Pensez-vous qu’un accord sur la relation future entre le Royaume-Uni et l’Union européenne est encore possible ?

R - Ces derniers jours, le gouvernement britannique a dit souhaiter y parvenir. Nous aussi. Mais un accord doit respecter nos conditions, qu’il s’agisse de la pêche, des conditions de concurrence ou de la gouvernance. Sinon, il n’y aura pas d’accord.

Q - Sur la pêche, le négociateur européen Michel Barnier semble moins inflexible que par le passé...

R - On ne peut pas isoler le sujet de la pêche du reste des négociations. Les Britanniques veulent récupérer leurs eaux, et cela, pensent-ils, leur donne un moyen de pression. Mais ils oublient que, pour tous les autres sujets sur lesquels ils négocient, ils ont beaucoup plus à demander qu’à offrir. La pêche ne doit pas être la variable d’ajustement, il n’y aura pas d’accord global possible sans un bon accord dans ce domaine. Un accord qui offrirait de la visibilité dans le temps aux pêcheurs et leur garantirait un accès aux eaux britanniques. On ne sacrifiera pas leurs intérêts.

Q - Il va bien falloir faire des concessions...

R - Nous ne pouvons être taxés d’« inflexibles » alors que les Britanniques ne nous ont pas donné de signaux clairs de leur volonté de mouvement pour un accord d’ensemble.

Q - David Frost, le négociateur côté britannique, s’est dit récemment prêt à bouger sur le sujet des aides d’État et des conditions de concurrence loyale...

R - C’est un signal favorable, on attend des preuves. Il ne peut pas y avoir de dumping à nos frontières, c’est une condition de concurrence loyale. Si les Britanniques veulent avoir accès au marché intérieur, il ne faut pas que leurs entreprises puissent être plus aidées que les nôtres et fassent du dumping contre nous.

Le Conseil va déterminer si un accord est encore possible. Soit les chefs d’État et de gouvernement estiment que ce n’est pas le cas et on se préparera aux conséquences d’un « no deal ». Soit les Britanniques auront bougé d’ici là, et Michel Barnier aura quelques jours quelques semaines au plus - pour tenter de finaliser un accord. Cela ne veut pas dire qu’il y arrivera, mais il y aura un chemin.

(...)

Q - Le dossier de la Turquie, qui multiplie les provocations, va-t-il se réinviter à ce Conseil ?

R - Début octobre, Ankara avait donné quelques gages et exprimé une volonté de dialogue. Les Européens en avaient accepté l’augure, sans exclure des sanctions éventuelles. Les signaux de ces derniers jours sont très mauvais. S’ils se confirment, nous mettrons nos menaces à exécution. C’est à la Turquie de choisir : le dialogue et la coopération, ou tourner le dos à l’Union en assumant les conséquences.

Q - L’UE ne reste-t-elle pas l’otage de la question migratoire, déléguée en partie à Ankara ?

R - Elle pèse bien évidemment sur nos relations depuis l’accord d’urgence conclu en 2016. Comme la Russie le fait dans le domaine énergétique, par exemple, la Turquie tente de créer une situation de dépendance de l’Europe. La seule réponse crédible que l’Union peut apporter, c’est de réduire progressivement ses dépendances. Tant qu’on est dépendant, on est à la merci de voisins, parfois brutaux.

Q - La Commission a présenté récemment un « pacte migratoire », une réforme que l’extrême droite veut déjà instrumentaliser. Ce projet va-t-il dans le bon sens ?

R - Marine Le Pen, c’est le mensonge permanent et indécent ! Tout ce qu’elle évoque n’est pas dans la proposition de la Commission, qui entend renforcer la protection de nos frontières extérieures, tout en prévoyant de nouveaux mécanismes de solidarité. Le parti et les amis de Mme Le Pen sont au Parlement européen, ils ont un texte sur leur table et disent que tout se déroule « en coulisses ». Si le Parlement européen, ce sont les coulisses, il ne fallait pas que ces élus demandent aux Français de voter pour eux et de financer leur mandat.

Q - On parle de « l’Europe puissance », mais on a l’impression qu’elle a toujours beaucoup de mal à s’imposer face à ses rivaux. Qu’est-ce qui lui manque ?

R - « L’Europe puissance » n’est pas l’Europe de la baguette magique, capable de résoudre tout d’un coup toutes les crises. Mais l’Europe a su adopter récemment une posture plus ferme, plus nette. Le temps de sa naïveté est passé. Elle s’affirme progressivement et suit une trajectoire claire. Elle est une puissance en construction, avec ses fragilités et son incomplétude, et la France est pour beaucoup dans cette affirmation./.

publié le 11/10/2021

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