La technologie spatiale au service du dépistage

Une technologie développée pour les missions spatiales Beagle 2 et Rosetta pourrait bientôt permettre de mettre au point un outil peu coûteux, rapide et fiable pour le diagnostic de la tuberculose. En effet, dans le cadre des célébrations britanniques commémorant le 50ème anniversaire du lancement de Spoutnik, le Wellcome Trust a annoncé qu’il allait soutenir le développement d’un spectromètre de masse capable de détecter la tuberculose dans les pays pauvres. Un financement Strategic Translation Award de 1,34 million de livres (environ 1,9 million d’euros) a donc été attribué à des chercheurs de l’Open University (le Dr Morgan et le Professeur Pillinger), qui ont développé les instruments embarqués sur Beagle 2 et sur Rosetta, et de la London School of Hygiene and Tropical Medecine (LSHTM, le Dr Liz Corbett).

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Cultures de Mycobacterium tuberculosis

On pense que la tuberculose, causée par le bacille de Koch (la bactérie Mycobacterium tuberculosis), tue deux millions de personnes par an, principalement dans les pays en voie de développement. Mais le diagnostic de la maladie dans les régions pauvres repose principalement sur l’observation au microscope de frottis d’expectorations. Ce processus nécessite une main d’œuvre importante et sa sensibilité reste faible : le Dr Liz Corbett estime qu’il ne détecte qu’un tiers des cas positifs. Ce faible taux implique que sept patients sur dix verront leur état de santé empirer avant d’être diagnostiqués et traités. Certains patients sont même vus jusqu’à dix fois avant que le traitement ne commence : ils peuvent être contagieux durant toute cette période et risquent même de mourir avant qu’un diagnostic correct ne soit établi, surtout s’ils sont également séropositifs.

Les acteurs du projet

Le Wellcome Trust  : le Trust est une des principales sources de financement britanniques de la recherche translationnelle. A travers les Translation Awards, les premiers stades de projets de recherche appliquée sont financés lorsqu’il existe un besoin dans le domaine de la santé, une nouvelle solution potentielle et une perspective réaliste que le développement de l’innovation sera ensuite porté par le marché. Les Strategic Translation Awards soutiennent des projets de recherche considérés d’importance stratégique pour la mission du Wellcome Trust.

L’Open University  : il s’agit de la seule université britannique dédiée à l’enseignement à distance.

L’Institut de recherche pour les siences planetaires et spatiales (PSSRH)  : dépendant de l’Open University, cet institut a joué un rôle central dans le développement des missions Beagle 2 et Cassini-Huygens. Les scientifiques de l’institut cherchent des réponses aux questions fondamentales qui se posent dans l’univers, étudient tous les aspects des sciences planétaires et spatiales en particulier l’évolution des planètes et des lunes dans notre système solaire, les objets proches de la terre, le système solaire jeune, les particules de poussière interstellaires, les phénomènes d’impact à toutes les échelles et l’astrobiologie. Le PSSRI est également impliqué dans les missions Genesis et Stardust de la NASA.

La London School of Hygiene and Tropical Medecine (LSHTM)  : la LSHTM est reconnue au plan international, notamment comme école doctorale, dans les domaines de la santé publique, de la santé internationale et de la médecine tropicale.

Le groupe de bioinformatique de l’Université de Cranfield : ce groupe fait partie de Cranfield Health, une école qui sert de carrefour aux activités de l’Université dans le domaine de la santé.

Le projet soutenu par le Wellcome Trust cherche donc à développer un instrument résistant, fiable, rapide et simple d’utilisation, susceptible d’être utilisé dans les régions pauvres. Les responsables du projet souhaitent pour cela exploiter les instruments d’analyse embarqués à bord des missions spatiales Rosetta et Beagle 2, en tirant partie à la fois de leur robustesse et leur faible encombrement. Lancée en 2004 dans le cadre du programme Horizon 2000 de l’Agence Spatiale Européenne, la mission Rosetta a pour but d’étudier pour la première fois une comète in situ. Le module Philae, qui se posera sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko en 2014, emporte, entre autres, Ptolémée, un spectromètre de masse couplé à un chromatographe en phase gazeuse dont la taille ne dépasse pas celle d’une boîte à chaussure. Ce module est destiné à la mesure fine des ratios isotopiques des éléments légers ; il est bien évidemment entièrement automatisé et ne requiert pas l’intervention de techniciens spécialisés. La mission britannique Beagle 2, perdue à son arrivée sur la planète Mars, était également équipée d’un spectromètre de masse pour l’analyse d’échantillons du sol martien. Ce spectromètre avait d’ailleurs déjà été financé par le Wellcome Trust.

Les deux appareils ont été construits par les scientifiques du Planetary and Space Sciences Research Institute (PSSRI, l’Institut de recherche pour les sciences planétaires et spatiales) de l’Open University.

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Le module Philae survolé par la sonde Rosetta
Impression d’artiste - Crédit : Astrium - Erik Viktor

Les scientifiques du PSSRI pensent maintenant qu’ils peuvent adapter ces appareils de telle sorte qu’ils identifient le revêtement de surface particulier de la bactérie Mycobacterium tuberculosis. Pour optimiser et valider la technique, ils collaboreront avec les cliniciens de la London School of Hygiene and tropical Medecine (LSHTM) et avec le groupe de bioinformatique de l’Université de Cranfield. L’appareil devrait être ensuite testé sur le terrain au Zimbabwe, au cours de la deuxième année de son développement.

Selon le Dr Ted Bianco, directeur du transfert de technologie au Wellcome Trust, « le Dr Morgan et ses collègues ont une technologie importante à offrir dans la quête pour l’amélioration de la détection de la tuberculose active, une des priorités les plus importantes identifiées par les cliniciens [qui se trouvent] en première ligne de cette urgence sanitaire. Combiner leur expertise en spectrométrie de masse avec l’expérience des docteurs travaillant en Afrique australe est un puissant mélange de talents. Si l’on peut construire des instruments suffisamment robustes pour rechercher des signes de vie ailleurs dans le système solaire, on devrait être capable de résoudre le problème de la détection de la tuberculose dans les poumons d’un patient ». Il suggère également la possibilité que l’appareil permette de distinguer le nombre important de personnes porteuses d’une tuberculose latente, qui sont simplement porteuses de la bactérie sans symptôme et sans être contagieuses, de celles atteintes d’une « tuberculose active » qui peuvent en mourir ou la transmettre à d’autres.


Sources : Wellcome Trust, 4/10/07 ; Science and Technology Facilities Council, 4/10/07


Auteur : Dr Anne Prost

publié le 08/02/2008

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