> Le débat sur l’énergie nucléaire continue - mars 06

Le sort de l’énergie nucléaire est, pour le public et les spécialistes, la question principale abordée dans le cadre de la révision de la politique énergétique britannique. Si une partie des commentateurs britanniques estime que la décision de construire de nouvelles centrales a été déjà prise par le Premier Ministre, certaines publications montrent que le sort du nucléaire n’est pas encore complètement certain.

Le rapport « The role of nuclear power in a low carbon economy » de la Sustainable Development Commission (SDC, Commission pour le Développement Durable, organisme de conseil financé par le gouvernement), publié le 6 mars 2006 dans le cadre de la consultation sur la révision de la politique énergétique, estime qu’il n’y a pas de justification pour la construction de nouvelles centrales. Si, de fait, l’énergie nucléaire permet de produire de larges quantités d’électricité et de stabiliser les émissions de CO2, doubler la capacité nucléaire actuelle permettrait seulement de réduire les émissions de CO2 de 8 % en 2035, par rapport au niveau de 1990. Les principaux arguments avancés contre l’énergie nucléaire dans cette étude sont les suivants :
- les impact intergénérationnels : les échelles de temps pour le stockage des déchets sont extrêmement longues (plusieurs dizaines de milliers d’années) ;
- le coût : l’économie des centrales nucléaire est très incertaine ;
- la sûreté et sécurité internationale : notamment à cause des risques de terrorisme et de prolifération ;
- un système de génération centralisé : cela empêcherait, pendant au moins 50 ans, le Royaume-Uni de développer des réseaux décentralisés avec une production d’énergie à petite échelle ;
- réduire l’impact des économies d’énergies : un système de réseau décentralisé à petite échelle devrait rendre les consommateurs plus conscients des dépenses énergétiques qu’un système centralisé à grande échelle.

Ce rapport favorise les économies d’énergie, les énergies renouvelables, et les technologies de capture et de séquestration du carbone pour la mise en place d’une politique énergétique durable. Il est intéressant de noter que le président de la SDC, qui conseille le premier ministre, Sir Jonathan Porritt, est l’ancien directeur de l’ONG Friend of The Earth au Royaume-Uni.

Par ailleurs, des scientifiques d’Imperial College déclarent, dans un commentaire publié dans le journal Nature Materials, que l’énergie solaire photovoltaïque (conversion directe de la lumière du soleil en électricité) peut remplacer l’énergie nucléaire. La capacité actuelle des centrales nucléaires britanniques est de 12 GW d’électricité produite, soit la même capacité que l’énergie solaire photovoltaïque prévue par l’ Allemagne en 2012, si son programme photovoltaïque continue de se développer au taux actuel. Les chercheurs notent que le Royaume-Uni, dont les ressources solaires sont similaires à celles de l’Allemagne, pourrait générer 12 GW d’électricité en 2023 (soit remplacer le parc nucléaire existant) si la production d’électricité photovoltaïque augmente de 40 % par an, sachant que la moyenne mondiale en 2004 est de 56 %. Cependant le Royaume-Uni a récemment abandonné son programme d’installation de 3 500 toits à la moitié de son avancement, alors que l’Allemagne et le Japon ont complété respectivement leurs programmes de 100 000 et 70 000 installations. D’après les auteurs, le gouvernement et la communauté scientifique sont pro-nucléaires : en 2004-2005, les conseils de recherche britanniques auraient dépensé sept fois plus d’argent sur la fusion nucléaire que sur la recherche sur les cellules photovoltaïques. Les auteurs estiment que les nouvelles générations de cellules photovoltaïques, en particulier la 3e génération qui est utilisée actuellement pour les applications spatiales, devraient permettre de doubler l’électricité produite par unité de surface.

Le débat sur l’énergie nucléaire s’annonce donc animé jusqu’à la fin de la consultation oublique, le 14 avril 2006, et après jusqu’à la publication de la révision de la politique énergétique, prévue pour l’été 2006.

Auteur : Mathieu Daoudi


Sources : SDC position paper, “The Role of nuclear power in a low carbon economy”, mars 2006, www.sd-commission.org.uk ; Nature Materials Vol 5, mars 2006, P.161-164 ; Imperial College, press release, 01/03/06, www.ic.ac.uk

publié le 04/05/2006

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