Les astronomes britanniques auront accès à Gemini au moins jusqu’à juillet 2008

Après un début d’année très riche en rebondissements, la situation des astronomes britanniques utilisateurs de l’observatoire international Gemini semble s’être stabilisée, au moins jusqu’au mois de juillet 2008. En effet, en décembre 2007, le conseil de recherche Science and Technology Facilities Council (STFC) annonçait dans son Delivery Plan (son plan stratégique) qu’il allait se retirer de tout partenariat futur dans l’observatoire Gemini, en tentant toutefois de négocier avec ses partenaires le maintien de l’accès des scientifiques britanniques à Gemini North jusqu’à la fin de l’accord actuel en 2012 (le Royaume-Uni se serait alors retiré de Gemini South d’ici à 2009). En effet, un retrait total de Gemini aurait privé les astronomes britanniques de leur seul instrument de grande taille dans l’hémisphère Nord (grâce à la participation britannique à l’Observatoire Européen Austral, les scientifiques n’auraient pas rencontré le même problème dans l’hémisphère Sud puisqu’ils ont accès à l’observatoire de Paranal au Chili). Cette décision était motivée par les difficultés financières rencontrées par le conseil suite à l’allocation de son budget pour la période 2008 à 2011 (voir le numéro de janvier 2008 des Actualités Scientifiques au Royaume-Uni, p. 13).

L’observatoire Gemini
Gemini est composé de deux télescopes réflecteurs optiques/infrarouges de huit mètres de diamètre situés respectivement sur le Cerro Pachon dans les Andes chiliennes (le Gemini South Telescope) et sur le Mauna Kea à Hawaï (le Frederick C. Gillett Gemini North Telescope). A eux deux, les télescopes permettent d’avoir accès à l’ensemble du ciel. Les deux télescopes ont fait l’objet de 15 années de développement et plusieurs appareils les équipant sont de construction britannique.
L’observatoire Gemini a été construit et a été exploité jusqu’ici par un partenariat composé de sept pays : les Etats-Unis, le Canada, le Chili, l’Australie, l’Argentine, le Brésil et le Royaume-Uni. Le temps d’observation disponible pour chaque pays est déterminé au pro rata de sa participation financière.
Le Royaume-Uni était jusqu’ici partenaire de Gemini à hauteur de 23,8 % et a investi environ 35 millions de livres (environ 46 millions d’euros) dans l’infrastructure. Gemini North est le seul télescope géant de l’hémisphère Nord dont le Royaume-Uni soit partenaire.

La communauté des astronomes britanniques avait réagi très vivement à cette décision qui n’a guère été appréciée par le conseil d’administration (le Board) de Gemini : durant une réunion spéciale tenue le 24 janvier 2008, il décidait que la proposition britannique n’était pas dans le meilleur intérêt de l’observatoire. En conclusion, il considérait que le Royaume-Uni se retirait du partenariat et invoquait la clause de sortie du partenariat qui oblige le pays sortant à payer la totalité des coûts opérationnels prévus pour une période de deux ans à commencer de la date de retrait (ici le 12 décembre 2007, soit environ 7 à 8 millions de livres). Le Royaume-Uni perdait également immédiatement tout accès aux télescopes. Prenant acte de cette décision, le STFC annonçait alors le 25 janvier 2008 qu’il n’avait pas d’autre possibilité que de signifier officiellement son retrait.

Mais il semblerait que le STFC ait modifié sa position, même si un porte-parole de ce conseil de recherche déclare que « la position du STFC par rapport à l’Observatoire Gemini a toujours été de négocier un niveau réduit d’investissement du fait de contraintes d’allocation budgétaire ». Toujours est-il que le conseil d’administration de Gemini annonçait, le 9 février 2008, avoir reçu une nouvelle lettre du STFC au sujet de l’implication britannique dans Gemini, selon laquelle le Royaume-Uni s’engageait à poursuivre ses paiements opérationnels durant 2008 et exprimait son souhait d’ouvrir des négociations avec le consortium afin d’explorer des options pour la poursuite de la participation britannique à l’observatoire. En conséquence, le temps d’observation britannique a été restauré conditionnellement sur les deux télescopes pour le premier semestre 2008 (de février à juillet). En parallèle, le STFC va entamer des négociations avec le conseil d’administration de Gemini.

La communauté des astronomes britanniques, si elle se réjouit de la nouvelle, l’a tout de même accueillie avec circonspection. Elle s’interroge notamment sur l’avenir de l’Astronomy Technology Centre (ATC) d’Edimbourg. Ce centre de renommée internationale était jusqu’à alors dans la course pour s’adjuger le contrat principal concernant la construction du Precision Radial-Velocity Spectrometer (PRVS, le spectromètre pour la mesure de précision de la vitesse radiale) de Gemini.

La Royal Astronomical Society (RAS, la société royale d’astronomie) a également eu, dans un communiqué daté du 14 février 2008, des mots très durs pour le STFC. Elle est rejointe en cela par un certain nombre de députés, notamment des élus du Nord-ouest du pays inquiets de l’avenir de la recherche fondamentale sur le site de Daresbury.

Une pétition en ligne a également été adressée au premier ministre, lui demandant de revenir en arrière sur les coupures budgétaires infligées à l’astronomie et à la physique des particules britanniques. Close le 18 février 2008, cette initiative a reçu plus de 17 000 signatures. Mais dans le même temps, Ian Pearson, Secrétaire d’état à la science et l’innovation, et Sir Keith O’Nions, directeur général de Research Council UK, étaient auditionnés le 20 février 2008 par l’Innovation, Universities and Skills Select Committee de la Chambre des Communes : à cette occasion, ils ont réfuté l’existence d’une crise de financement dans la physique britannique en assurant que les volumes des grants (financements sur projet) pour l’astronomie et la physique des particules seraient constants pour les trois années à venir. Ils ont d’ailleurs déploré ce qu’ils considèrent être une peinture irréaliste de la situation. Ian Pearson a par ailleurs souhaité rappeler qu’il n’appartenait pas au gouvernement de décider l’allocation des financements du STFC et que le conseil de recherche ne s’était pas encore retiré de Gemini.


Sources :


Rédactrice : Dr Anne Prost

publié le 01/05/2009

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