Un filtre à eau à base d’argile et de résidus de cultures

Des chercheurs de l’Université de Newcastle ont développé un filtre à eau destiné aux pays en voie de développement et qui pourrait, selon eux, être facilement fabriqué par des artisans locaux ou les femmes de la communauté, à partir de matériaux locaux. Le procédé de fabrication « traditionnel » surmonterait les difficultés rencontrées pour persuader et former les familles à faibles revenus à l’utilisation des filtres à eau ; il supprimerait également la nécessité de commander, en cas de panne, des pièces détachées onéreuses. En effet, la plupart des familles à faibles revenus des pays en voie de développement ne disposent pas des ressources suffisantes pour acheter des filtres à eau commerciaux ; certaines ONG en distribuent gratuitement mais la diffusion reste faible et ces filtres sont abandonnés lorsqu’une pièce doit être changée.

Le projet des scientifiques du Département de génie civil et de géosciences de l’Université de Newcastle trouve son origine dans un voyage d’étudiants de troisième cycle au Ghana, au Kenya et en Malaisie. A la suite de ce voyage, un de ces étudiants, Matt Simpson, a choisi de consacrer son travail de thèse à la mise au point d’une méthode durable de filtration de l’eau. Les techniques occidentales classiques de traitement de l’eau ne sont généralement pas adaptées aux pays en voie de développement, du fait en particulier de leur coût et des infrastructures nécessaires : l’objectif du jeune chercheur était donc de mettre au point un système de filtration simple et produit sur place. Après plusieurs essais, il a mis en évidence qu’un mélange d’argile et de résidus de culture, comme les balles de riz ou le son, créait un filtre idéal après un chauffage de 700 à 1000 °C. A ces températures, les résidus de culture se décomposent : ils relâchent du dioxyde de carbone gazeux ce qui forme des pores microscopiques dans le matériau céramisé. Ces pores présentent la taille idéale pour piéger les bactéries et les virus tout en laissant l’eau circuler. Selon les chercheurs britanniques, le filtre piégerait 99,99 % des agents pathogènes ce qui le rendrait aussi efficace que des filtres commerciaux. Le fonctionnement des filtres commerciaux repose sur l’ajout, à l’argile et avant la cuisson, de biocides (comme des composés d’argent). Selon l’équipe britannique, ces ajouts rendent les filtres plus chers et compliquent le procédé de fabrication. Le filtre de Newcastle, quant à lui, pourrait être fabriqué par des potiers locaux en utilisant des matériaux locaux ; ainsi même les fours à céramique les plus simples, dans lesquels les poteries sont cuites sur une claie entourée d’un feu de bois, pourraient atteindre des températures assez élevées. En fait, les matériaux utilisés (l’argile et le dégraissant), le procédé de fabrication (le moulage, le séchage et la cuisson) ont été pris en considération par l’équipe de Newcastle afin d’optimiser l’équilibre entre la simplicité et l’efficacité. Par ailleurs, le système est facilement adaptable, par exemple en ajoutant des absorbants capables de piéger d’autres contaminants, comme l’arsenic et les métaux lourds.

La technique a été mise en application au sein du International Centre for Diarrhoeal Disease Research in Bangladesh où des potiers ont été formés à la fabrication des filtres. Selon les chercheurs, « il suffit de deux heures pour former un potier à la fabrication d’un filtre à partir des ressources déjà disponibles dans son village ». Le produit obtenu est donc peu cher, adapté à l’usage domestique, filtre efficacement les bactéries, les pathogènes associés, les polluants toxiques et les métaux. Les chercheurs de Newcastle souhaiteraient maintenant voir le lancement d’un programme de formation et d’éducation mais les ressources nécessaires à l’organisation d’un tel programme s’avèrent difficiles à obtenir. Il semblerait que le projet se trouve dans le no man’s land qui existe, pour les agences de développement, entre la recherche et les produits commerciaux.


Sources : University of Newcastle, 11/09/06 ; School of Civil Engineering and Geosciences


Auteur : Dr Anne Prost

publié le 09/07/2008

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