La France condamne l’attaque de l’Iran et va tout faire pour éviter l’embrasement

Politique étrangère - Jeux olympiques et paralympiques - Entretien de M. Emmanuel Macron, Président de la République, avec « RMC » et « BFMTV » - Extraits

(Paris, 15 avril 2024)

=Seul le prononcé fait foi=

(…)

Q - Monsieur le Président, dans la nuit de samedi à dimanche, l’Iran a attaqué Israël. Est-ce que vous redoutez l’embrasement ?

R - Oui, c’est la crainte que nous avons tous. D’abord, nous avons condamné avec la plus grande fermeté cette attaque de l’Iran. Elle est inédite dans sa forme parce que l’Iran, depuis son sol, a envoyé des drones et des missiles, plusieurs centaines, sur le sol d’Israël. C’est une victoire d’Israël, parce qu’ils ont réussi à stopper la quasi-totalité de ces missiles et de ces drones. Seuls 7 ont touché leur sol avec un blessé. Enfin, le bilan sera fait par Israël, mais donc très limité.

La France a été aux côtés d’Israël et sous coordination américaine avec nos amis britanniques parce que nous sommes sur le sol jordanien à la demande de la Jordanie, nous avons eu des interceptions en stricte protection et défense à faire dans cette nuit en effet de samedi. Mais donc nous avons condamné, nous sommes intervenus et aujourd’hui nous allons tout faire pour éviter l’embrasement, c’est-à-dire l’escalade, et donc essayer de convaincre Israël qu’il ne faut pas répondre en escaladant, mais plutôt isoler l’Iran, réussir à convaincre les pays de la région que l’Iran est un danger, accroître les sanctions, renforcer la pression sur les activités nucléaires et puis retrouver un chemin de paix dans la région. C’est aussi pour cela que nous appelons à la prudence sur Rafah et que nous avons demandé un cessez-le-feu pour pouvoir procéder aux opérations humanitaires. Mais la situation est très instable aujourd’hui et donc il y a une très forte mobilisation diplomatique qui se fait autour de ce contexte.

Q - Je suis frappée que vous disiez, Monsieur le Président, que la France est intervenue à la demande des Jordaniens. Ce que vous voulez dire, c’est que vous n’avez pas fait ça en soutien direct d’Israël ?

R - On l’a fait en soutien, mais les Iraniens ont violé l’espace aérien de plusieurs pays. C’est pour simplement rappeler le cadre dans lequel nous intervenons. Vous savez, depuis maintenant plusieurs années, nous avons une base aérienne en Jordanie pour lutter contre le terrorisme. Et donc l’espace aérien jordanien a été violé par ces tirs. Nous avons fait décoller nos avions et nous avons intercepté ce que nous devions intercepter.

Q - Qui attaque qui ? C’est-à-dire que l’Iran dit que c’est une réponse à l’attaque d’Israël contre leur consulat à Damas. Qui attaque qui ?

R - Aujourd’hui, Israël se protège. Le fait générateur de cette situation d’ensemble, c’est l’attaque terroriste du Hamas du 7 octobre dernier. Dans ce contexte, il y a eu plusieurs interventions qui étaient liées à l’Iran et Israël en effet, il y a plusieurs jours, a frappé en Syrie et à Damas emprise diplomatico-militaire iranienne. Les Iraniens ont répondu, mais ils ont répondu de manière, si je puis dire, disproportionnée, parce qu’au lieu d’aller toucher des intérêts israéliens en dehors d’Israël, eh bien, ils ont été chercher Israël sur son sol, depuis leur sol, ce qui est une première et une forme d’équilibre, si je puis dire, de la violence qui existe dans la région, de la même manière qu’on a depuis des semaines, et oserais-je dire depuis des années, des tirs qui se font par exemple entre le Hezbollah et le nord d’Israël.

Eh bien, il y a des déséquilibres, certaines zones ne sont pas touchées. Là, pour la première fois, l’Iran a décidé d’envoyer des frappes depuis son sol sur le sol d’Israël. Et c’est un changement, une rupture profonde. Et donc, c’est pour ça que ce qui s’est ouvert est très dangereux en termes de réaction. Donc, très clairement, c’est l’Iran qui a décidé de frapper Israël dans le contexte d’une manière inédite. Et donc il nous faut à la fois être aux côtés d’Israël pour assurer sa protection au maximum, mais appeler à une limite pour éviter l’escalade.

Q - Et quand vous dites d’ailleurs c’est très dangereux, vous avez même précisé : on va faire en sorte qu’il n’y ait pas forcément de riposte. Est-ce que s’il y avait riposte israélienne, vous estimeriez que c’est de la légitime défense ?

R - Il y a tout un travail qui est fait. Nous avons hier tenu un G7. Il y a des frappes. Si elles sont limitées à des intérêts militaires de manière très calibrée, qui pourrait mettre fin, si je puis dire, à ces allers-retours. Mais il faut éviter que, à chaque étape, c’est soit un seuil qui soit franchi. Et on voit bien qu’aujourd’hui, on a une situation qui est très grave. Au fond, depuis le 7 octobre, Israël, légitimement se défend et veut mettre à bas un groupe terroriste qui l’a attaqué, le Hamas. Nous, ce que nous avons dit, c’est nous reconnaissons ce droit à vous défendre. Il faut le faire de manière proportionnée parce que vous êtes une démocratie, un droit humanitaire. C’est pour ça qu’on a demandé un cessez-le-feu justement à Gaza et qu’on souhaite que les opérations humanitaires puissent reprendre pour protéger les populations civiles, qui n’ont rien à voir avec le Hamas. Le risque, c’est celui de l’embrasement régional et avec l’entrée, si je puis dire, dans c e contexte, maintenant explicite de l’Iran, c’est un risque d’escalade parce que c’est l’Iran directement comme puissance. Mais c’est tout ce qu’on appelle ses proxys, c’est à dire le Hezbollah en Iran, les Houthis qui ont déjà fait plusieurs frappes dans toute la région, et puis les milices qui opèrent en Irak et en Syrie. Et donc, ce qui est important, c’est que la sécurité d’Israël soit préservée, c’est que le travail puisse se faire contre le Hamas, mais qu’on retrouve un cadre, si je puis dire, humanitaire et politique apaisé, pour qu’on puisse aussi éviter l’embrasement régional.

Q - Quand vous dites « On », quel sera le rôle précis de la France ? Qu’est-ce que vous espérez jouer ?

R - Écoutez, ce qu’on essaie d’être, c’est une puissance médiatrice. Je reparlerai d’ailleurs tout à l’heure au Premier ministre Netanyahou. Nous avons eu plusieurs éléments de coopération en termes de renseignement. Nous avons contribué à couper des financements pour le Hamas. Et puis nous parlons aux uns et aux autres. D’abord, on a dans cette nuit de samedi à dimanche, procédé à plusieurs identifications de tirs. Donc on a échangé de l’information, procéder à des interceptions, ce qui, je crois, fait de nous des partenaires crédibles, mais nous parlons à toute la région, c’est-à-dire on échange avec c’est-à-dire, on échange avec la Jordanie, l’Egypte, le Qatar, les Emirats arabes unis, l’Arabie saoudite. Et donc, tous les pays de la région dont c’est aussi, si je puis dire, la sécurité qui est en jeu, qui ont des sensibilités qui peuvent être différentes. Et par exemple, tous ces derniers mois, nous avons procédé à des largages de vivres et de médicaments dans Gaza avec les Jordaniens.

Nous avons envoyé un bateau qui est arrivé et qui a soigné plus de 1 000 Palestiniens sur les côtes égyptiennes. Et donc, nous parlons à tous les pays de la région. Et ce que je veux dire par-là, c’est que Israël doit pouvoir se protéger, lutter contre le terrorisme. Mais la sécurité durable, c’est celle qui engage tous les partenaires de la région, qui permet de lutter contre les terroristes mais qui évite l’embrasement. Et là, la France a un rôle à jouer, celui que nous jouons depuis le début de cette puissance d’équilibre. (…)

Q - À propos des Jeux olympiques (…) est-ce qu’il y a des chefs d’État qui sont persona non grata ? Ou est-ce que vous vous dites, si Vladimir Poutine s’invite, si Netanyahou s’invite…

R - Alors, la règle, elle est simple, c’est qu’on co-invite avec le CIO, le Comité international olympique. Et ce sont formellement les fédérations qui invitent leur chef d’État. Comme la fédération de Russie n’est pas invitée, c’est une décision de la famille olympique - et moi, je me suis toujours tenu à cela, parce que c’est une bonne règle.

En fait, la France accueille un événement…

Q - Nous sommes des hôtes…

R - On est des hôtes, et donc c’est le monde olympique qui décide. Et c’est aussi pour ça que j’ai toujours dit que ce n’est pas de la politique, et l’olympisme, c’est sa force…

Q - C’est aussi un peu de la politique.

R - Oui, mais l’olympisme, il permet de réconcilier des nations qui parfois ne sont pas d’accord, sont en guerre, ont des sanctions les unes contre les autres. Et elle permet parfois à des athlètes de se réconcilier malgré cela. Et donc là, il y a une fédération qui n’est pas invitée, c’est la fédération de Russie. Donc, son dirigeant ne peut pas être invité. Par contre, les athlètes sans hymne, sans drapeau pourront concourir. (…)

Quand les armes se taisent, vous devez renégocier et donc vous devez vous retrouver autour de la table avec ceux contre lesquels vous avez combattu. Et donc, c’est aussi en cela que l’Olympisme apporte, d’un point de vue diplomatique, beaucoup de choses. (...) On va aussi tout faire pour avoir une trêve olympique.

Q - Vous l’espérez encore ?

R - Moi, je l’espère.

Q - Alors là, on pense évidemment à Israël-Gaza, mais on pense aussi à l’Ukraine.

R - À l’Ukraine, à Israël-Gaza, à tous les théâtres. Vous savez, cet après-midi, nous allons accueillir aussi à Paris une conférence très importante pour le Soudan. Parce qu’il se passe au Soudan depuis maintenant un an une guerre terrible avec des dizaines de millions de déplacés, de femmes et d’hommes et d’enfants qui sont dans une situation de famille terrible. On va oeuvrer à la trêve olympique. Et moi, je pense que c’est une occasion sur laquelle je vais d’ailleurs essayer d’engager beaucoup de nos partenaires. Le Président chinois vient dans quelques semaines à Paris. Je vais lui demander de m’aider. En 2022, il avait aussi ce même travail à faire pendant les Jeux olympiques d’hiver que la Chine accueillait. Et je pense que c’est une des forces et on a besoin de ça. Donc oui, c’est un moment aussi diplomatique de paix. (…)

Q - Et alors, moi, Monsieur le Président, j’avais une question justement sur les athlètes russes, parce que le tennis a été assez précurseur au début, même lorsque la guerre a commencé a éclaté, certains ont hésité pour savoir si les athlètes russes avaient le droit de participer. Au départ, ils ont été exclus puis finalement réintroduits dans les tournois sous bannière neutre puisque leurs drapeaux sont enlevés devant leur nom. Est-ce qu’aujourd’hui, la décision du CIO a été pour vous une évidence de les accepter ? Et j’inclus d’ailleurs les athlètes russes et biélorusses parce que ça a été le cas dans le tennis. Et est-ce que pour vous, comme l’a évoqué éventuellement Jean-Luc Mélenchon, et qu’est-ce que vous lui répondez d’ailleurs à cette question ? Pour les athlètes israéliens, est-ce qu’ils se posent une question ou aujourd’hui, vous condamnez ces propos qu’il a eus ?

R - Non, je vous dis, la règle, elle est définie par le monde olympique et les fédérations et ensuite, il y a un vote. La Russie a décidé d’une guerre d’agression qui dure depuis deux ans, même plus de plus de deux ans. Et donc cette décision a été prise. Elle est à mes yeux proportionnée et juste. (…) Israël a été victime d’une attaque terroriste. C’est donc exactement le contraire.

Q - Absolument.

R - Donc il ne faut pas mettre ces situations en système d’équivalence. (…) Et donc la distinction est très claire. C’est pourquoi le drapeau israélien sera là, les sportifs seront là. Et j’espère aussi qu’ils seront des vecteurs de paix, parce qu’ils auront à mener des compétitions avec beaucoup d’acteurs de la région. Et moi, je ne désespère pas qu’on puisse arriver à ce cessez-le-feu et j’espère que les négociations en cours vont nous y conduire dans les prochaines heures. (…)

Q - Les Jeux olympiques, c’est aujourd’hui, au fond, pour les Français, plutôt une source d’inquiétude. Est-ce que vous allez réussir ce matin à rétablir l’équilibre ou peut-être à basculer plutôt dans l’enthousiasme ? Mais l’inquiétude, elle concerne surtout la cérémonie d’ouverture. Est-ce que les Jeux en valent la chandelle ? Est-ce que de ce point de vue-là, honnêtement, le risque n’est pas trop élevé, dans un contexte de terrorisme très très élevé ?

R - Oui, parce qu’on l’a préparée, parce qu’on s’est donné les moyens de le faire.

Et donc ça en vaut la chandelle. Je pense même que, vous savez, c’est très important. Notre pays, malheureusement depuis tant d’années, est frappé par le terrorisme. Et ce que veulent avant tout les terroristes, c’est nous empêcher de rêver. Leur plus grande victoire, c’est ça. C’est-à-dire ils veulent empêcher les jeunes d’aller à des terrasses de cafés, d’aller à des concerts et des grands événements culturels, sportifs, de se tenir.

Q - Donc, même avec la vigilance urgence attentat ?

R - Et donc on résiste mais on s’organise. Et donc, ici, ce que je veux vous dire, c’est qu’il n’y a pas de naïveté. Aucune. Il y a une très grande lucidité. On partage toutes les informations, les moyens considérables qu’on a mis, tout ce qu’on sait. Mais on va se donner les moyens de faire une très grande cérémonie d’ouverture. Mais surtout 4 grandes cérémonies. Parce que je rappelle que l’ouverture et la clôture des Jeux olympiques, puis l’ouverture et la clôture des Jeux paralympiques à quelques mètres d’ici, parce que…

Q - Ce sera place de la Concorde ?

R - Place de la Concorde pour l’ouverture des Jeux paralympiques.

(…)

publié le 19/04/2024

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