Relations de la France avec l’Afrique : le maître-mot est le partenariat

Politique étrangère - Audition de Mme Catherine Colonna, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, devant la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale - Propos de Mme Catherine Colonna

(Paris, 7 mars 2023)

(…)

Le Président de la République s’est exprimé lundi 27 février pour fixer un cap qui doit nous faire sortir des logiques passéistes de compétition et de pré carré, lequel a depuis longtemps disparu. C’est dans cet esprit que nous renouvelons les modalités de notre partenariat militaire avec plusieurs pays africains. Il y aura moins de soldats français dans ces pays - le Président de la République l’a indiqué dans son discours du mois de novembre 2022 -, et ceux-ci stationneront dans des bases cogérées avec nos partenaires africains et non dans des bases françaises installées dans ces pays. Nous voulons développer notre action en matière de formation et d’équipements : nous souhaitons être aux côtés de nos partenaires africains mais en occupant le second rang et non le premier.

Nous devons continuer d’investir dans ce continent car l’Afrique sera l’un des grands foyers de croissance dans les décennies qui viennent. Il nous faut donc y être présents, quoique d’une façon différente : forgeons des partenariats équilibrés et assumons ce que nous sommes en faisant valoir, sans arrogance et avec plus d’humilité que dans un passé lointain, nos valeurs, nos atouts - les liens humains, notre diaspora, nos entreprises, nos capacités de recherche, notre action en matière de santé - et nos intérêts. Le thème de la visite du Président de la République en Angola en fin de semaine dernière a porté sur ces sujets : le chef de l’État s’est engagé auprès d’entrepreneurs agricoles africains et français et de belles perspectives de coopération se font jour dans ce domaine.

En Afrique, nous souhaitons passer d’une logique d’aide à une logique d’investissements solidaires, en déployant davantage de projets concrets, parfois visibles, susceptibles de répondre aux attentes de la jeunesse et de la société civile.

(…) Nous avons donc créé, avec l’accord du Président de la République, deux nouveaux dispositifs. Le premier est un fonds, doté de 40 millions d’euros, que nos ambassadeurs pourront utiliser pour aider directement, au plus près du terrain, des projets pilotés par ces publics ; le second est un autre fonds, rattaché au ministère et doté de 20 millions d’euros, dans lequel les instituts français à l’étranger pourront puiser pour soutenir les industries culturelles et créatives, qui sont particulièrement prometteuses dans de nombreux pays africains ; le but est également de développer une plus grande intimité avec la société civile, au-delà des cercles officiels.

(…) Notre politique doit être, encore plus qu’avant, au contact des sociétés et pas uniquement des gouvernants. Ce n’est pas la France qui désigne les dirigeants des pays étrangers : nous nous adressons aux responsables en place mais aussi aux artistes, aux sportifs, aux jeunes, aux chercheurs, aux entrepreneurs et aux diasporas. Il n’y a aucune fatalité à voir des incompréhensions s’installer : nous savons ce qui les crée et, encore plus, qui en joue et par quels moyens ; vous savez à quels pays je fais référence et aux moyens qui sont utilisés.

Il ne faut pas s’ingérer dans la politique intérieure d’un pays étranger. En revanche, nous parlons avec tout le monde, y compris avec le Sénégal, des questions qui nous tiennent à cœur comme l’État de droit - qui comprend le respect de la Constitution - et les droits de l’Homme : quoi qu’il en soit, nous ne décidons pas pour autrui.

J’ai essayé de vous décrire notre message aux Africains, dont le maître-mot est le partenariat. Respectueux et passé entre égaux, celui-ci répond à notre volonté de défendre nos atouts, nos intérêts et nos valeurs. Ne doutez pas que nous parlions de tout dans notre dialogue avec les pays africains.

[…] Nous souhaitons transformer notre relation et nous nous attelons à cette tâche depuis 2017, date du premier grand discours du Président de la République sur la politique de la France à l’égard de l’Afrique, prononcé à Ouagadougou. Nous voulons aller plus loin : pour ce faire, mon ministère et celui des armées ont adapté leurs instruments ; lors de son récent déplacement, le Président de la République a évoqué le projet d’élaborer une loi-cadre sur les restitutions de biens culturels et de continuer à travailler sur l’importante question de la mémoire. Il nous faut, d’un côté comme de l’autre, regarder le passé avec plus de distance.

Nous allons continuer à changer notre regard sur l’Afrique et parvenir, espérons-le, à modifier celui que posent certains segments de la population africaine sur la France, grâce à ce merveilleux projet qu’est la Maison des mondes africains, qui devrait ouvrir dans un an. Je voudrais également revenir sur l’intérêt des deux fonds que nous avons créés : nous devons, au-delà des grands projets, aider les petits entrepreneurs africains et la jeunesse de ce continent qui a tant d’idées.

[…] Qu’il n’y ait pas ou plus de politique africaine ne veut pas dire qu’il n’y a pas de politique avec l’Afrique. Cela ne signifie pas non plus que l’Afrique et le rapport avec les pays africains n’ont plus d’importance. […] Nous voulons voir ce continent et ces pays pour ce qu’ils sont, avec leurs difficultés mais aussi les possibilités qui s’offrent à eux. (…)./.

publié le 16/03/2023

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