Appel à la solidarité européenne et mondiale sur les vaccins

Union européenne - Covid-19 - Vaccins - Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé des affaires européennes avec « France Inter » - Extraits

(Paris, 28 février 2021)

(…)

Q - Mais quand on sait le secteur tentaculaire du tourisme en France, est-ce que l’on peut se permettre de ne pas passer très vite ?

R - Attendez, j’y viens. Si je dis « sanitaire » aussi et pas « vaccinal », c’est que je pense qu’il faut différents outils. Quand vous avez un test PCR négatif, aujourd’hui, vous pouvez prendre l’avion pour aller en Europe parce que vous n’êtes pas à risque. Je pense qu’il faut étendre notre gamme ; il faudra peut-être une application où vous pourrez montrer que vous êtes soit vacciné - et donc protégé -, soit test PCR négatif ou test antigénique négatif fiable - comme cela vous n’êtes pas à risque non plus. J’ajoute qu’il y a des questions à résoudre, y compris scientifiques ; c’est ce qu’a rappelé le Président, ce qu’a rappelé le Premier ministre. On ne sait pas aujourd’hui à 100%, quand vous êtes vacciné, on sait que vous êtes protégé, on ne sait pas à quel point vous transmettez ou pas.

Q - Le problème, aussi, c’est quelle que soit l’expression qu’on emploie « passeport vaccinal » ou que ce soit un « pass sanitaire » comme vous le dites, le problème, c’est qu’il n’y a pas de certification médicale commune. Et comment est-ce qu’on pourra empêcher, par exemple, la Grèce qui veut sauver son industrie touristique de proposer ou de demander un certificat de vaccination pour qu’on puisse aller passer les vacances chez eux ? Là, pour le coup, on sera impuissant et cela montrera de nouveau des divisions entre les 27.

R - C’est pour cela que ce qu’on a proposé jeudi, ce qu’a dit le Président de la République, c’est : travaillons-y dès maintenant, ensemble. Résolvons ensemble les questions scientifiques (est-on protégé, enfin est-on non contaminant quand on est vacciné), les questions éthiques (à partir de quel moment il y a suffisamment d’accès à la vaccination pour avoir cette autorisation), les questions techniques (est-ce que l’on fait une application commune européenne très concrètement, ce que l’on n’a pas réussi à faire précédemment, ce serait très bien, je pense). Cela, on a quelques mois pour le faire, je pense jusqu’au printemps.

Q - Mais la Grèce, l’Italie, l’Espagne, le Portugal ont déjà un peu décidé, non ?

R - Ils ont commencé bien sûr parce qu’ils sont pressés en raison de leur saison touristique. Mais ils reconnaissent, tout aussi bien que nous, qu’il y a ces questions préalables à résoudre. Et ce que l’on a dit jeudi soir, c’était l’expression de la Chancelière, c’est ce qu’a dit aussi le Président, c’est que l’on y travaille. Le Président a été ouvert sur cette question, mais en disant : résolvons les questions pour nos activités internes et pour la mobilité en Europe, ensemble en Européens...

Q - En fait, il était fermé ; maintenant, il envisagerait que ce passeport vaccinal puisse voir le jour, d’ici l’été...

R - …sanitaire, parce que ce n’est pas lié qu’au vaccin - pardon mais j’insiste -, ce n’est pas lié qu’au vaccin.

Q - Passeport sanitaire.

Q - Question sur la vaccination mondiale. Au fond, Emmanuel Macron avait souligné il y a quelque temps, qu’il faudrait ouvrir au fond le vaccin, qu’il soit accessible à tout le monde partout dans le monde et extrait des lois du marché. Parce que l’idée, c’est que tant que la population mondiale ne serait pas suffisamment vaccinée, on serait encore à la merci de l’épidémie. Où en est-on sur ce dossier et au fond, quels blocages faut-il surmonter pour arriver à cela ?

R - Il faut surmonter des blocages internationaux pour permettre cette solidarité. D’abord, je rappelle aussi que cette solidarité, elle commence par l’Europe. Notre espace de vie et de circulation, on le voit avec les frontaliers, c’est l’Europe. C’est aussi pour cela que c’est très important qu’on vaccine ensemble avec un cadre commun au même rythme en Europe. Si aujourd’hui l’Allemagne vaccinait beaucoup plus que la France ou l’inverse, et beaucoup plus que l’Espagne ou l’Italie, on aurait un énorme problème sanitaire. Donc, c’est notre intérêt, aussi, de faire en Européens. Même chose au niveau mondial : si vous laissez l’Afrique par exemple - qui n’a pas de moyens pour acheter le vaccin aujourd’hui - vivre durablement face à l’épidémie avec un système sanitaire très fragile, eh bien, nous aurons aussi - c’est une question de solidarité et d’humanité, c’est une question d’intérêt pour nous -, nous aurons aussi à un moment une réimportation de l’épidémie.

Q - Mais comment vous convainquez les labos qui au fond ont pris des risques, qui ont développé des technologies innovantes, au fond, de donner librement leurs brevets ou leur savoir ?

R - C’est pour cela que, là aussi, il y a la fausse bonne idée qui serait de lever le brevet. Parce qu’il y a une juste rémunération pour toute innovation. On parlait de culture de l’innovation, c’est indispensable. Il y a une juste rémunération, quand vous avez investi, fait de la recherche ; vous ne savez pas si cela débouche, quand cela débouche, vous devez être rémunéré, c’est le brevet, pour faire simple. En revanche, il faut faire un bien public mondial du vaccin, cela veut dire de la solidarité financière des pays. Ce qu’a proposé Emmanuel Macron au G7, c’est que, dès que nous serons mieux vaccinés chez nous, à partir du printemps, nous puissions exporter un certain nombre de doses, les donner, très concrètement, aux pays qui n’ont pas accès aux vaccins faute de moyens. Comme cela, vous articulez soutien à l’innovation et solidarité internationale.

Q - A partir de quand, on pourra, comment dire, tenir nos engagements, notamment la stratégie COVAX ? C’est-à-dire dire, effectivement, livrer l’Afrique et ne pas avoir le raisonnement qui est de dire « on n’a pas déjà ce qu’il faut pour nous, pourquoi on leur donnerait à eux ? »

Q - Ce que dit Mario Draghi !

Q - Ce qu’il dit un petit peu en disant : servons-nous d’abord et attendons pour les autres. Est-ce qu’on sait vraiment si cela sera dans six mois, dans un an, ou est-ce qu’on a une perspective dans le temps ?

R - Je crois que la meilleure façon, c’est de le faire progressivement. Regardez par exemple ce qu’a proposé le Président de la République jeudi. Il a dit, il faudrait, en priorité absolue, trouver treize millions de doses. Il a proposé à tous les pays du G7, Union européenne et G7, de le faire, treize millions de doses d’ici le mois de juin pour vacciner d’ici là.

Q - Et Mario Draghi lui a répondu « tant qu’on n’a pas les doses en Europe, on ne les donnera pas » !

R - Oui, c’est pour cela que le président a précisé « d’ici le mois de juin » ; il a précisé aussi, j’insiste, que ce dont on parle, treize millions, c’est moins de 0,5% des doses qu’on aura en France dans le G7, dans l’Union européenne d’ici le mois de juin. Je pense qu’on est capable de faire cet effort et après de l’amplifier. Mais donc la bonne réponse, c’est de faire des choses progressivement. Cette solidarité encore une fois, elle est notre intérêt aussi. Et donc commençons par les personnels soignants en Afrique. Cet effort de treize millions de doses, il est tout à fait à portée de main, c’est ce qu’a défendu le Président au G7. On va continuer à le porter auprès de nos collègues européens pour convaincre parce qu’on ne peut pas dire aux Français bien sûr : on exporte toutes nos doses vers des pays qui en ont besoin. D’abord chez nous, c’est normal, et d’abord en Europe, mais treize millions de doses...

Q - Mais enfin, il n’en est vraiment pas question !

R - Non ! Bien sûr.

Q - Il n’en a jamais été question !

R - Non, je suis clair. Il faut vacciner d’abord chez nous. Mais treize millions de doses au niveau du G7 et de l’Union européenne, c’est moins de 0,5% de doses, c’est faisable ; pour la France, cela veut dire 500.000 doses d’ici le mois de juin à un moment où nous aurons plus de 75 millions de doses. Donc vous voyez, que c’est quelque chose qui ne ralentit pas notre campagne de vaccination, qui n’enlève rien aux Français et qui protège mieux le monde, et donc aussi la France à la fin.

(…)

publié le 02/03/2021

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