Annonce par le Chancelier George Osborne de 200 M£ supplémentaires pour la science
Dans une situation budgétaire toujours aussi contrainte et sur fond d’austérité persistante, le Chancelier de l’Echiquier, George Osborne, a annoncé 200 M£ d’investissements supplémentaires destinées à un petit nombre d’infrastructures scientifiques emblématiques. Cette mesure s’inscrit dans une série d’annonces de financements additionnels qui, depuis octobre 2010, totalisent 500 M£. Mesures très ponctuelles qui pourraient être interprétées comme une embellie par rapport au gel du budget annuel de la science à 4,6 Md£ annoncé en 2010, elles soulagent autant que faire ce peut la forte réduction des investissements en capital d’ici 2015, pénalisant la compétitivité et l’attractivité sur le long terme de la recherche britannique.
Dans son discours annuel devant le Parlement la semaine dernière et consacré aux perspectives économiques (Autumn Statement), le Chancelier de l’Echiquier a annoncé la décision du gouvernement d’investir 200 M£ dans la science. "Dans une période de choix difficiles, nous en avons fait un, l’année dernière, lorsque nous nous sommes engagés à protéger le budget de la science". En effet, lors de la préparation du budget 2011 et du "Autumn Statement" de l’année dernière, George Osborne avait décidé de sanctuariser le budget civil de la science (à 4,6 Md£ annuel), le "geler" selon l’expression de David Willetts, Secrétaire d’Etat aux universités et à la science, considérant l’investissement dans la recherche et l’innovation comme l’une des clefs pour renouer avec la croissance économique.
200 M£ qui s’inscrivent dans une série d’annonces totalisant près de 500 M£ de financements supplémentaires pour la science, depuis un an.
L’essentiel (80 M£) de ces 200 M£ sera destiné à financer la prochaine phase de redéveloppement du laboratoire Pirbright, dans le Surrey, opéré par l’Institut pour la santé animale (en complément des 100 M£ annoncées en 2009). Le reste sera fléché de la manière suivante :
61 M£ pour les Conseils de recherche destinés à des investissements en capital ;
25 M£ pour des projets de démonstration dans les domaines des réseaux électriques intelligents et des véhicules propres ;
21 M£ pour soutenir le développement d’un satellite radar, NovaSar-S. Cette plateforme radar compacte est en cours d’étude par Surrey Satellite Technology Ltd (SSTL), une filiale en forte croissance d’Astrium, issue d’une spin off de l’Université du Surrey, qui se spécialise dans le développement de petits satellites à bas coût. Ce financement (associé à celui apporté par Astrium) servira notamment au lancement du satellite d’ici deux ou trois ans, qui sera, à terme, commercialisé et pourrait être le prototype des éléments d’une future constellation de satellites radar ;
13 M£ pour une nouvelle infrastructure nationale de calcul numérique destinée au développement de médicaments et à la modélisation du climat (ARCHER).
Ces financements seront disponibles au cours de la prochaine année budgétaire, 2012-13.
Cette mesure fait suite à une série de plusieurs annonces de financements supplémentaires pour la science depuis octobre 2010. Ainsi, en mars dernier, le Chancelier avait annoncé un financement additionnel de 100 M£ pour des investissements en capital (80 M£ pour développer les campus nationaux de recherche à Daresbury, Norwich et Cambridge ; 10 M£ pour des équipements de test à la source de neutrons ISIS à Harwell ; 10 M£ pour le National Space Technology Programme en complément de financements privés).
Plus récemment, en octobre, lors de la conférence du parti conservateur, George Osborne a déclaré qu’il voulait que le Royaume-Uni soit "(the) home to the greatest scientists and engineers" et a annoncé 195 M£ de financements additionnels pour la science : 50 M£ destinés à accélérer la commercialisation d’innovations fondées sur le graphène (matériau pour lequel Andre Geim et Konstantin Novoselov, de l’université de Manchester, ont obtenu le Prix Nobel de physique l’année dernière) ; et 145 M£ destinées aux infrastructures de calcul numérique (autour du centre de recherche de Daresbury), afin de remédier aux inquiétudes sur le manque d’infrastructures scientifiques numériques.
Il s’agit donc au total de près de 500 M£ d’investissements en R&D qui ont ainsi pu être confirmés par le Chancelier lors de son discours devant la Chambre des Communes.
Parmi les autres mesures fléchées vers la science et l’innovation présentées dans le "Autumn Statement", il faut relever 75 M£ de financements destinés à aider les PME innovantes dans le développement et la commercialisation de nouveaux produits et services, ainsi que l’introduction en 2013 d’un crédit d’impôt pour encourager la R&D dans les grandes entreprises. Enfin, le gouvernement va ouvrir l’accès à des données publiques et investir 10 M£ sur cinq ans pour mettre en place un Institut des données ouvertes (Open Data Institute).
Si cette annonce est bien reçue par la communauté scientifique, celle-ci s’inquiète de "coupes cachées" de 14% à 20% d’ici 2015 dans le budget alloué à la recherche scientifique.
Cette annonce a reçu un accueil plutôt favorable par la communauté scientifique qui, en cette période budgétaire difficile, peut craindre une remise en question de ce gel budgétaire pour la science. Il faut garder en mémoire que les scientifiques redoutaient en 2010, que David Cameron et George Osborne ne considèrent pas la recherche comme une priorité et réduisent le budget de la science de 25%.
Sir Paul Nurse, prix Nobel et président de la Royal Society, a ainsi reconnu ces 200 M£ supplémentaires pour les infrastructures de recherche comme "une bonne nouvelle", car le Royaume-Uni dispose "de scientifiques de classe mondiale et ils ont besoin d’infrastructures de niveau international pour travailler - vous ne pouvez pas garder un Léonard De Vinci dans une cabane de jardin". Il se réjouit également des multiples références faites à la science et à l’innovation comme les clefs d’un retour à la croissance, tout en soulignant que les efforts doivent être constants et soutenus, et non pas consister uniquement en annonces ponctuelles.
Cependant, des organismes de défense de la science, dont "The Campaign for Science & Engineering" soulignent que la décision de sanctuariser le budget de la science cache en fait une réduction des dépenses publiques pour la science de 1,7 Md£ d’ici 2014-15, peut-être encore plus si l’inflation est prise en compte. En effet, le périmètre du budget pour la science a été redéfini lors du précédent budget pour exclure le financement en capital scientifique (entretien et amélioration des infrastructures) qui, lui, a été réduit de 41%.
Conclusions
Si le budget scientifique d’exécution de programmes et de fonctionnement a bien été gelé et protégé comme promis par le Chancelier, il reste que les investissements en capital qui permettent le développement sur le long terme des infrastructures de recherche ont fait l’objet de coupes importantes. En effet, à périmètre constant par rapport à 2010, ce budget spécifique a fait l’objet d’une réduction de 1,7 Md£ sur quatre ans. Tous financements confondus, à l’horizon 2015, il faut s’attendre à une réduction de 14%, voire de 20% avec les nouvelles prévisions d’inflation. Ces 200 M£ supplémentaires s’apparentent donc plus à une mesure de soulagement et apparaissent clairement insuffisants pour maintenir, à long terme, la compétitivité et l’attractivité de la recherche fondamentale du Royaume-Uni.
Tétanisée par le risque de voir le gel budgétaire de la science remis en cause, la communauté scientifique cherche à s’accommoder de ce compromis, et les sourires - sans doute un peu crispés - sont de rigueur en réaction à ces annonces. Le gouvernement dit avoir considéré des coupes dans le budget de la science, ce qui a permis à David Willetts, et au professeur Sir John Beddington, le conseiller scientifique en chef du gouvernement, de prévenir la communauté scientifique qu’il faut accepter la situation actuelle sans "faire de vagues" et se considérer comme privilégié d’échapper aux coupes, étant donné les circonstances actuelles.
Enfin, ces investissements restent très ponctuels et visent un petit nombre d’infrastructures de recherche emblématiques. Ils permettent néanmoins au Chancelier de donner un peu d’espoir dans un tableau bien sombre, pour des montants finalement assez limités et de calmer la communauté scientifique. Montrant à travers ces annonces à répétitions un intérêt inhabituel pour la science, pour un chancelier, certains médias se sont même demandés si George Osborne pourrait être qualifié de "Chancelier de la science". Le Chancelier, qui fait partie du premier cercle des membres du Cabinet de David Cameron, projette ainsi le sentiment d’un gouvernement qui montre un intérêt continu pour la science, en accord avec sa stratégie d’utiliser la recherche et l’innovation comme moteurs de la reprise économique.
Sources :
Autumn Statement, novembre 2011, http://bit.ly/uWgMrQ
Auteur : Olivier Gloaguen