UKCMRI : enquête du Select Committee on Science and Technology de la Chambre des Communes

Le UK Centre for Medical Research and Innovation (UKCMRI) est un projet né du souhait du Medical Research Council (MRC, Conseil pour la recherche médicale) de rapprocher son centre historique de recherche, le National Institute for Medical Research (NIMR, Institute national pour la recherche médicale) d’un hôpital, afin de favoriser et d’accélérer la recherche translationnelle. Suite à la montée de bouclier de la part du personnel du NIMR en réponse à la proposition de déménagement sur Cambridge, le projet plus vaste du UKCMRI est né, qui implique les pouvoirs publics, les deux plus grosses associations à but non lucratif travaillant dans le domaine de la santé (Wellcome Trust et Cancer Research UK), et University College London.

Ce projet d’envergure, à la fois au plan de sa structure et de son coût, avait été examiné minutieusement par les membres du Select Committee on Science and Technology de la Chambre des Communes du dernier Parlement (2008), qui avaient émis des recommandations positives. La situation économique difficile et l’accroissement des coûts ont cependant poussé les membres de ce Select Committee à reprendre un examen en profondeur auprès des acteurs et parties prenantes du projet afin d’en évaluer les risques, notamment en termes de gestion et financements. En effet, ces derniers émettent quelques réservations, notamment concernant le site choisi (dans le centre de Londres, à St Pancras), car celui-ci a des répercussions immédiates en termes d’augmentation des coûts de construction et d’opération, mais aussi en termes de concentration de la recherche dans le triangle d’or (Londres, Oxford, Cambridge). De ce point de vue, les députés jugent qu’il est essentiel que des mesures soient mises en oeuvre pour garantir que les retombées bénéficient à l’ensemble du Royaume-Uni et non juste à cette région.

Après une brève présentation des partenaires et des objectifs du projet seront abordées les questions posées par les députés du Select Committee on Science and Technology de la Chambre de Communes. Leurs recommandations sont insérées en gras dans le texte.

1. Les partenaires du UKCMRI

Selon les directeurs généraux des institutions de recherche partenaires, au nombre de quatre, le projet du UKCMRI est "le projet scientifique le plus passionnant du Royaume-Uni aujourd’hui", "certainement l’un des plus grands, sinon le plus grand, des instituts en Europe", "peut-être le développement le plus manifeste en sciences biomédicales britanniques depuis une génération", et propose "une perspective de valeur ajoutée importante à travers l’interdisciplinarité" en apportant l’espoir que les esprits brillants y effectuant leur recherche contribueront à "une amélioration spectaculaire de la santé humaine et animale". Ces quatre partenaires sont le MRC, Cancer Research UK, le Wellcome Trust et University College London.

1.1 Le Medical Research Council

Fort d’un budget de près de 540 M£ pour l’année financière 2011-12 et dirigé par le Pr. Sir John Savill, le MRC est sans doute le seul conseil de recherche qui verra son budget rester stable en termes réels d’ici 2014-15 (les autres conseils voyant leurs budget de 2010-11 gelés, et donc une réduction effective d’environ 10% au cours des 4 ans à venir). Le MRC finance la recherche biomédicale en attribuant des bourses de doctorats, des fellowships pour chercheurs post-doctorants, et des subventions de recherche conséquentes pour des projets de recherche allant de 2 à 5 ans. De plus, le MRC finance des scientifiques au sein de ses centres, instituts et unités de recherche, les plus connus étant le NIMR à Londres et le LMB (Laboratory of Molecular Biology) à Cambridge. Le MRC soutien financièrement plus de 4.000 scientifiques.

1.2 Cancer Research UK (CRUK)

Il s’agit de la première association caritative mondiale dédiée à la recherche sur le cancer en termes financiers et humains. CRUK, dirigé par M. Harpal Kumar, soutient plus de 4.000 chercheurs, médecins et infirmiers sur l’ensemble du territoire britannique, au sein de ses propres infrastructures. Ses revenus, qui proviennent exclusivement de dons, lui permettent de dépenser près de 400 M£ par an pour la recherche contre le cancer.

1.3 Le Wellcome Trust

Fondation britannique dédiée à la recherche pour améliorer la santé humaine et animale, le Wellcome Trust a un statut de société qui lui procure une indépendance complète vis-à-vis du gouvernement britannique, du secteur industriel et de donneurs potentiels. Il a été fondé en 1936 à la mort de Sir Henry Wellcome : dans un testament rédigé en 1932, il conféra la totalité du capital de la compagnie pharmaceutique (The Wellcome Trust Foundation Limited, qu’il avait fondée un demi-siècle plus tôt) à des administrateurs individuels, dont la tâche fut alors de dépenser les bénéfices selon ses dernières volontés. Le Wellcome Trust possède une dotation d’environ 11 M£ et est dirigé par Sir Mark Walport.

1.4 University College London (UCL)

Fondée en 1826, UCL compte parmi les meilleures universités mondiales, attire les étudiants de 140 pays et compte 21 Prix Nobel dans ses rangs passés ou présents. UCL est associée à 11 CHU et compte plus de 11.000 alumni. UCL est aujourd’hui dirigée par le Pr. Malcolm Grant.

Suite à la finalisation des accords cadre entre l’Etat et le reste des partenaires à l’automne 2010, de nouveaux partenaires potentiels se sont fait connaître. Il s’agit d’Imperial College London et de King’s College London qui souhaitent entrer dans le consortium à hauteur égale de la contribution de UCL. Les députés reconnaissent l’importance du projet UKCMRI pour l’ensemble de la science biomédicale au Royaume-Uni et accueillent avec enthousiasme le souhait d’Imperial College London et de King’s College London d’entrer dans le consortium de partenaires de UKCMRI. Ils espèrent que d’autres partenaires basés en dehors de Londres seront également intéressés.

2. Les objectifs du UKCMRI

L’un des objectifs majeurs du UKCMRI sera d’estomper les barrières existant traditionnellement entre les différents types de recherche publique, privée et académique dans le but de promouvoir les interactions et les collaborations, et d’accélérer la translation et l’innovation. Ceci sera facilité par la capacité à attirer les meilleurs esprits scientifiques du monde entier, établis ou jeunes chercheurs prometteurs, qui pourront être formés "made in England" et participer à l’économie du pays. L’agencement des équipes au sein du bâtiment reflétera très fortement cet objectif car il est prévu qu’aucune démarcation n’existe entre les équipes ou entre les départements pour que les personnes travaillent ensemble, de manière "anarchique", selon les mots de Sir Paul. La vision scientifique du UKCMRI peut se résumer aux points suivants :
- mener des recherches sur les processus biologiques fondamentaux responsables de la santé humaine et du développement des pathologies ;
- étudier l’ensemble des pathologies par des approches transversales et verticales (de la molécule au système dans son entier) ;
- avoir une approche interdisciplinaire et multidisciplinaire ;
- promouvoir un environnement dynamique de travail ;
- encourager le développement et la mise en oeuvre de technologies innovantes ;
- créer une culture où la translation clinique et commerciale est aussi valorisante que la découverte scientifique ;
- établir des réseaux solides et vastes aux niveaux local, national et international, avec les secteurs universitaire, industriel et public ;
- favoriser la promotion et le développement de nouvelles technologies et la formation des scientifiques et des techniciens, pour le bénéfice du Royaume-Uni dans son ensemble ;
- rester en contact étroit avec le public à la fois localement et nationalement.

Les députés jugent la vision scientifique annoncée par les partenaires du projet complet, ambitieux et révolutionnaire.

3. L’étude menée par les membres du parlement

Il est largement reconnu que le projet de construction du UKCMRI est d’importance nationale et présente le potentiel d’apporter des améliorations significatives dans le domaine de la santé humaine et animale pour le Royaume-Uni et au-delà des frontières. Ceci est bien entendu pris en compte, l’industrie biomédicale étant un secteur crucial de, et pour, l’économie britannique, forte de 9% des exports et de 28% des dépenses de R&D privée.

Le gouvernement de coalition confirmait en octobre 2010 son engagement envers le UKCMRI, avec un financement de 220 M£ (via le MRC) venant s’ajouter aux 47 M£ déjà dépensés dans ce projet. L’enquête menée par les députés a cherché à répondre aux interrogations suivantes :
- qu’espèrent les quatre partenaires de ce projet en termes de résultats et quelles nouvelles technologies ou innovations sont envisagées ?
- le coût du UKCMRI est-il justifié et son financement robuste ? En particulier, les financements fléchés pour UKCMRI risquent-t-il de conduire à des réductions de subventions dans d’autres domaines de recherche ?
- comment les risques, la sûreté et la sécurité associés à un tel site ont-ils été évalués ?
- quels sont les mesures mises en place pour la fermeture du site du NIMR ? (Nous ne nous attarderons pas sur ce point).

Pour répondre à ces questions, les membres du Select Committee ont auditionné les directeurs des quatre partenaires du UKCMRI, des représentants des habitants du quartier de St Pancras, Sir Paul Nurse, Sir David Cooksey et John Cooper, respectivement directeur général, président et directeur des opérations du UKCMRI. A noter qu’au sein du bâtiment qui devrait être opérationnel en 2015, le UKCMRI rassemblera des scientifiques du MRC, du CRUK et de UCL. Le Wellcome Trust en revanche, financera des chercheurs travaillant dans le centre.

4. Les bénéfices pour le Royaume-Uni

Le projet de construction du UKCMRI est né en réponse au rapport Cooksey 2006 dont l’objectif était d’établir un panorama du financement de la recherche en santé au Royaume-Uni et d’émettre des recommandations pour améliorer son efficacité. Ce rapport établissait en particulier deux lacunes importantes dans la translation de la recherche, à savoir i) la translation des idées depuis la recherche fondamentale et clinique vers le développement de nouveaux produits et approches pour le traitement de pathologies, et ii) l’implémentation de ces nouveaux produits et approches dans la pratique clinique.

Reconnaissant que la recherche menée au sein du UKCMRI aura des retombées positives (directes et indirectes) pour le NHS, le ministère de la santé a accepté que la majorité du financement public passe par lui. En effet, les scientifiques et cliniciens, après avoir passé une période plus ou moins longue au UKCMRI, seront dispersés sur l’ensemble du territoire, ce qui facilitera les collaborations au niveau clinique et ainsi pourrait accélérer les progrès en pratique clinique.

Au plan des collaborations avec l’industrie pharmaceutique, la décision de Pfizer de fermer son centre de R&D à Sandwich (Kent) a suscité de grosses inquiétudes quant à la capacité du Royaume-Uni à rester attractif. Les membres du Select Committee on Science and Technology ont été en partie rassurés par Sir David Cooksey qui souligne que le secteur de l’industrie pharmaceutique est en pleine évolution et que de gros centres de recherche loin des villes et centres de recherche publics (comme c’était le cas à Sandwich) ne répondent plus aux modèles se mettant en place aujourd’hui. Les géants pharmaceutiques souhaitent aujourd’hui se rapprocher de centres de recherche tels que le UKCMRI. Les auteurs du rapport rappellent qu’il est important que le UKCMRI trouve une place de choix au sein du nouveau "business model" se mettant en place dans le domaine de la santé, ce qui lui permettra de collaborer à la fois avec le NHS et les grands groupes pharmaceutiques, les universités et les associations à but non lucratif. Ceci conduirait à favoriser la translation des découvertes scientifiques en application dans la pratique clinique et par conséquent à renforcer l’efficacité de la recherche médicale au Royaume-Uni.

5. Le financement du UKCMRI

De 500 M£ en 2008, le coût estimé du projet a atteint 650 M£ en octobre 2010. Les financements publics, établis à 300 M£, n’ont pas (et ne seront pas) augmenté(s), si le coût global devait continuer de croître. Si le MRC souhaitait augmenter sa contribution, il devra demander l’autorisation auprès du gouvernement. A l’inquiétude exprimée par les députés sur ces coûts très élevés, les partenaires soulignent qu’ils sont comparables à ceux de projets similaires à Singapour, aux Etats-Unis, en Allemagne ou en Chine, et sont à considérer comme un investissement dans un bâtiment qui devrait être opérationnel pendant 70 ou 80 ans.

Aux coûts de construction s’ajoutent les coûts opérationnels, estimés à 100 M£/an. Un peu plus de 40% viendront de fonds publics via le MRC, soutien public qui sera évalué de manière quinquennale. Les auteurs du rapport recommandent que, au vu de ces coûts raisonnables, le gouvernement s’engage sur le long-terme pour le financement public du UKCMRI. A noter que le financement de ces coûts opérationnels ne sera pas dépendant des revenus obtenus grâce à la propriété intellectuelle émanant des recherches menées dans le centre. Cette dernière, appartenant à l’institut et non au partenaire ayant financé le scientifique, sera réinvestie directement dans des projets de recherche.

6. Sûreté et sécurité du UKCMRI

Les agents biologiques sont classés selon les dangers qu’ils posent, en quatre classes, 1 étant le risque minimum et 4 le risque maximum. Dans cette dernière catégorie, on retrouve par exemple les virus de la grippe, du paludisme ou du sida, ou encore le bacille de la tuberculose, agents pathogènes sur lesquels travaillent des chercheurs du NIMR. Par ailleurs, le NIMR est l’hôte, depuis 1948, du centre de la grippe de l’OMS où sont étudiés des échantillons de virus de la grippe dans le but de recommander les meilleures formulations de vaccins saisonniers. Bien que l’ensemble des projets de recherche du NIMR soit transféré au UKCMRI, ce dernier ne comprendra pas de laboratoire de niveau de confinement 4. Le centre inclura des laboratoires de niveau de confinement 3+, une classification non formelle, mais suggérant que les mesures de contrôle des laboratoires de niveau de confinement 3 seront renforcées.

Les risques considérés, en particulier par les résidents du quartier, incluent les risques de fuites accidentelles d’agents pathogènes dangereux mais également les risques de terrorisme. A cela, les partenaires ont rappelé qu’il existe 781 laboratoires de confinement de niveau 3 au Royaume-Uni, dont un peu plus d’une centaine sur Londres, et que CRUK et le MRC ont tous deux des antécédents exemplaires en matière de sûreté et de sécurité, à la fois pour les employés et pour les résidents des quartiers où sont situés les laboratoires. Et d’ajouter que ce sont les questions de sécurité qui ont poussé en faveur d’une seule gouvernance, d’un seul directeur et d’une seule structure pour l’institut.

Malgré les risques de perturbations dont le UKCMRI pourrait être la cible, par exemple des extrémistes anti-vivisectionnistes, l’ensemble des parties prenantes indique que les risques ont été évalués et les dispositions nécessaires mises en oeuvre pour les réduire au minimum à toutes les étapes de construction, d’aménagement et d’opération de l’institut. Les auteurs du rapport reconnaissent que la gestion des risques est adéquate et ne nécessite pas d’envisager que le bâtiment soit déplacé sur un site alternatif.

Conclusions

Les députés jugent qu’un nouveau centre dédié à la recherche biomédicale et à l’innovation est nécessaire au Royaume-Uni et estiment que ce projet est d’intérêt national en ce que le UKCMRI vient répondre aux attentes de la nation et permettra l’amélioration de la santé humaine.

Si les bénéfices attendus toucheront toute la nation dans le domaine des sciences du vivant, les risques concernant sa gestion et son financement restent importants. Les auteurs du rapport ne sont toujours pas convaincus que le site de St Pancras soit le plus adapté à ce projet, mais acceptent qu’il est peu probable que le site soit modifié en raison du stade avancé du projet, ils jugent que les coûts de construction sur ce site, plus élevés que sur un site alternatif, sont difficilement justifiables dans le contexte économique actuel.


Sources :
Rapport "UK Centre for Medical Research and Innovation (UKCMRI)", 18/05/11, http://bit.ly/iYTp2d


Auteur : Dr Claire Mouchot

publié le 04/07/2011

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