Coopération Indo-Britannique en science et technologie

L’Inde est une puissance montante non seulement d’un point de vue économique et politique, mais également scientifique, ce qui lui a valu d’être considérée comme nation stratégique par la Commission Européenne. Suite à la signature de l’accord Indo-Européen en science et technologie de novembre 2001, un plan d’action conjoint et plusieurs sommets visant à promouvoir la coopération scientifique et technologique ont été mis en place dans le but de créer des infrastructures communes et des systèmes de financement pour des programmes symétriques de collaboration.

Malgré ces efforts et la coopération scientifique dynamique et fructueuse déjà existante entre l’Inde et, en particulier, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, la coopération n’est pas encore harmonisée à l’échelle européenne. De ce fait, un consortium du nom de New INDIGO, composé de 23 organisations scientifiques et technologiques indiennes et européennes, s’est formé dans le but de palier ce manquement et de renforcer la dimension internationale de l’espace européen de la recherche en fournissant une plateforme de réticulation entre les différents acteurs impliqués.

Dans ce contexte, nous avons jugé utile de donner des éléments sur l’état des lieux de la coopération en sciences et technologie existant entre le Royaume-Uni et l’Inde.

Position de l’Inde sur la scène scientifique

Dans les cinq prochaines années, le budget accordé à la science par le gouvernement indien devrait tripler par rapport à celui de 2006 (il était de 284 Md de roupies, soit l’équivalent de 4,86 Md euros, en 2010). Ce budget atteindra 2% du PIB, et le nombre d’instituts indiens de technologie (IIT, Indian Institutes of Technology) va doubler. L’Inde est une puissance nucléaire et a son propre programme d’exploration spatiale : elle a récemment réussi le lancement de sa première sonde lunaire et de son premier sous-marin nucléaire. De plus, on assiste à l’émergence de champs de recherche de renommée mondiale tels les sciences de la vie, l’agriculture et l’information et la communication. La recherche scientifique et technologique indienne connaît donc actuellement un grand essor. Entre 2000 et 2008, l’Inde a enregistré une augmentation de 80% de ses publications scientifiques et produit à l’heure actuelle l’équivalent de 2,75% de la production mondiale, et ce dans tout un éventail de disciplines.

Historique de la coopération

La coopération entre le Royaume-Uni et l’Inde dans les domaines scientifiques et technologiques est historique et peut être retracée au cours du siècle dernier. Quelques années après l’indépendance, en 1947, un réseau d’IIT a vu le jour. Le premier à avoir été développé fut celui de Kharagpur en 1950. Les IIT sont des instituts autonomes d’ingéniérie et de technologie, établis par le gouvernement indien pour former des scientifiques et des ingénieurs dans le but d’avoir une main d’oeuvre qualifiée à même de soutenir le développement économique et social du pays. Certains de ces IIT ont été établis grâce à une aide financière et une expertise technique étrangère : l’IIT de Delhi a par exemple été soutenu par le Royaume-Uni.

Le réseau britannique global pour la science et l’innovation (SIN, Science and Innovation Network), financé à parts égales par le Foreign and Commonwealth Office (FCO) et par le Business, Innovation and Skills (BIS, ministère britannique du Commerce, de l’Innovation et des Compétences), a établi son premier bureau à New Delhi, il y a 10 ans. Depuis 2006 a également été mis en place un Science and Innovation Council, permettant une rencontre entre les ministres indiens et britanniques. La première rencontre a eu lieu en 2006, suivie d’une deuxième en 2010, et à partir de 2010 il est prévu que ces rencontres aient lieu tous les 2 ans. Suite à la dernière rencontre en 2010, il y a eu une augmentation des échanges entre le Royaume-Uni et l’Inde.

Objectifs de la collaboration

En établissant un réseau de coopération en Inde, les objectifs du BIS et du FCO étaient de favoriser les collaborations internationales, d’avoir un impact en donnant aux entreprises indiennes accès à la recherche britannique et vice-versa, de collaborer dans certains domaines mais également d’influencer l’Inde dans d’autres. Par conséquent, les objectifs du SIN sont :
- Recherche - maintenir la réputation et la position internationale privilégiée du Royaume-Uni en lui assurant un accès à la scène scientifique indienne ;
- Innovation - améliorer la capacité innovante du Royaume-Uni en lui assurant un accès à la meilleure science, ingénierie et technologie indienne et en s’assurant que le Royaume-Uni soit un partenaire de choix pour l’exploitation globale et la commercialisation de la propriété intellectuelle indienne ;
- Développement - assurer un soutien maximal à la politique de développement britannique de la science et l’innovation, et à la collaboration avec l’Inde ;
- Politique de recherche et d’innovation - informer les politiques de recherche et d’innovation britanniques et internationales, via l’interaction avec les responsables politiques indiens ;
- Stratégie - informer le Royaume-Uni et l’Inde sur les politiques de développement et de mise en place, dans des domaines stratégiques en rapport avec la recherche et l’innovation.

Actions engagées

Afin de promouvoir et faciliter les collaborations en recherche et développement entre les universités, les établissements de recherche et les entreprises indiennes et britanniques, le SIN utilise des plateformes interactives telles l’organisation de séminaires, ateliers de travail, conférences, et sponsorise des visites et des échanges de chercheurs entre l’Inde et le Royaume-Uni. Pour faire connaître l’Inde aux organisations britanniques, gouvernementales et autres, le SIN fournit toutes sortes d’informations, d’analyses et de rapports (par exemple sur les piles à combustible, les semi-conducteurs, l’écosystème de la R&D en Inde...).

Priorités en termes de recherche et innovation

Les priorités scientifiques et technologiques actuelles du Royaume-Uni pour stimuler les collaborations avec l’Inde sont :
- sources d’énergie bas carbone - innovation dans l’énergie solaire et nucléaire ;
- production alimentaire - réponses innovantes aux menaces posées par le changement climatique ;
- technologies liées à l’eau - impact du changement climatique sur les ressources en eau et réponse à la pénurie en eau ;
- médecine innovante - développement de nouveaux médicaments et essais cliniques ;
- sécurité globale - recherches sur la menace posée par les attaques internet et solutions pour la cyber-sécurité ;
- économie globale - recherche économique et politique de l’innovation pour la relance économique.

Echanges de chercheurs et d’étudiants

Aucune statistique ne semble être disponible à l’heure actuelle. Les échanges de chercheurs ne sont pas très nombreux et il est difficile de quantifier les échanges d’étudiants. L’asymétrie nécessite cependant d’être relevée : plusieurs dizaines de milliers d’étudiants indiens au Royaume-Uni contre plusieurs centaines d’étudiants britanniques en Inde, tous niveaux confondus.

Etablissement de campus en Inde

A l’inverse de ce qui se passe en Chine, où l’Université de Nottingham a par exemple établi le campus de Ningbo, aucune université britannique n’a établi de campus en Inde. Il semblerait que d’un point de vue légal, ceci ne soit pas une démarche aisée. L’Inde ne s’est pas complètement dégagée du poids des structures et de l’état d’esprit du passé post colonial.

Autres institutions britanniques présentes en Inde

=> Le DFID (Department For International Development)
Le DFID (ministère britannique pour le développement international) a récemment ouvert un bureau de recherche à New Delhi. Il y soutient et y a soutenu au fil des ans plus de 70 projets, dont les détails peuvent être trouvés à l’adresse suivante : http://projects.dfid.gov.uk/Default.aspx?countrySelect=IN-India. Les priorités thématiques de l’action du DFID sont les objectifs du millénaire pour le développement (éradiquer l’extrême pauvreté et la faim, rendre l’éducation primaire universelle, promouvoir l’égalité des genres, réduire la mortalité infantile, améliorer la santé des mères, combattre VIH, SIDA et paludisme, assurer un environnement durable, établir un partenariat global pour le développement).

=> Le RCUK (Research Council UK)
L’organe de tutelle de tous les conseils britanniques pour la recherche (RCUK) a ouvert un bureau à New Delhi, en octobre 2008. Son but est d’apporter un changement en termes de partenariats de recherche entre les deux pays, et de faciliter l’établissement de partenariats de haute qualité, permettant une recherche avec un fort impact économique et sociétal, entre les meilleurs chercheurs britanniques et indiens.

=> Le British Council
Le rôle du British Council est de positionner le Royaume-Uni en tant que prestataire leader dans les domaines de l’éducation et de la culture. Ceci est atteint en faisant la promotion de la langue anglaise tout en établissant des relations à l’échelle mondiale. Le British Council est très bien implanté en Inde, et y a célébré en 2000 le 50ème anniversaire de son réseau de bibliothèques. Ses activités portent sur les arts, le changement climatique, l’éducation, l’apprentissage et l’enseignement de l’anglais, des services de bibliothèques et d’information. Le British Council est présent à Chandigarh, New Delhi, Ahmedabad, Kolkata, Mumbai, Pune, Hyderabad, Bangalore et Chennai.

Aides financières

L’ensemble des projets conjointement financés par le Royaume-Uni (notamment le BIS via les conseils de recherche) et l’Inde, en matière de sciences et technologie, atteint à l’heure actuelle 70 M£. L’Inde augmentant ses crédits octroyés à la science et à la technologie, il devient de plus en plus difficile pour le Royaume-Uni de contribuer à hauteur de 50%. Certains projets de recherche sont également financés par des compagnies privées. Les projets sont généralement financés pour une durée de 3 à 4 ans. Quelques exemples de projets financés :
- Next generation networks : 9 M£. Le Royaume-Uni et l’Inde se sont engagés à financer 2,5 M£ chacun, auxquels s’ajoutent 4 M£ de partenaires commerciaux britanniques et indiens. L’objectif est d’utiliser les réseaux de télécommunication et multimédia modernes pour améliorer les services de santé et les systèmes de prévisions climatiques dans les zones rurales.
- Bridging urban/rural divide : 12 £. Le Royaume-Uni et l’Inde se sont engagés à financer ce projet à hauteur de 6 M£ chacun. Génération d’énergie en dehors du réseau et utilisation de technologies numériques pour des services clés tels la santé, afin de faciliter la vie en zone rurale en Inde et au Royaume-Uni.
- Solar energy : 10 M£. Le Royaume-Uni et l’Inde se sont respectivement engagés à financer 5 M£.
- Atomic energy : 10 M£. Le Royaume-Uni et l’Inde se sont engagés à financer 5 M£ chacun.
- UKIERI : UK-India Education and Research Initiative, permet de soutenir 6 projets de recherche (jusqu’à 500.000 M£ chacun), 67 bourses de recherche (jusqu’à 150.000 M£ chacune), 30 bourses DST-UKIERI (jusqu’à 150.000 M£ chacune), 20 bourses de thèse et 43 research fellowships. Le UKIERI travaille en partenariat avec le BIS, le FCO, le British Council, l’assemblée nationale du pays de Galles, et le ministère du développement des ressources humaines du gouvernement indien.

Les opportunités actuelles de financement pour des collaborations entre l’Inde et le Royaume-Uni sont :

Opportunités offertes par les conseils de recherche

=> Trois Science Bridges, initiatives mises en place par le RCUK pour établir des collaborations entre universités britanniques et institutions en Chine, en Inde et aux Etats-Unis, sont spécifiques à l’Inde :
- Bioenergies : projet de 3 M£ cofinancé par le RCUK et le ministère indien des sciences et technologies, permettant une collaboration entre Aston University et IIT Delhi ;
- Biopharm : projet de 1,5 M£ cofinancé par le RCUK et le ministère indien des sciences et technologies, permettant une collaboration entre l’Université de Nottingham, IIT Kanpur, et Indian Institute of Management, Bangalore. Objectif : innovation collaborative en matière de découverte et mise au point de nouveaux médicaments ;
- Agricultural initiative : projet de 1,5 M£ octroyé conjointement à l’Université de Leeds, l’Indian Agricultural Research Institute et Indian Institute of Science, Bangalore, pour une période de quatre ans. Objectif : exploiter et développer les avancées en biotechnologies applicables dans le contexte de l’agriculture.

=> Un ensemble d’initiatives est également mis en place par les différents conseils de recherche, portant sur l’amélioration de la sécurité alimentaire dans les pays en voie de développement, l’établissement de réseaux de recherche, un programme de bourses pour le développement de carrières dans le domaine des biostatistiques ou encore des possibilités de demandes de financement conjoint entre chercheurs britanniques et indiens.

Autres sources d’opportunités

=> British Academy- Newton International Fellowships
Conjointement financées par la British Academy et la Royal Society, ces bourses de recherche sont destinées à attirer au Royaume-Uni les meilleurs chercheurs post-doctoraux au monde. Ces bourses consistent en une indemnité de subsistance annuelle de 24.000 £, à laquelle s’ajoutent 8.000 £ par an pour les dépenses de recherche (équipement, consommables, déplacements nationaux et internationaux) et jusqu’à 2.000 £ de frais de délocalisation. Des frais généraux d’une valeur de 50% du montant total octroyé au boursier sont également à rajouter, soit une valeur totale de l’allocation pouvant atteindre jusqu’à 51.000 £ la première année.

=> Royal Society - Opportunités pour des collaborations internationales
Notons également le programme de séminaires scientifiques Indo-britanniques. Le but de ce nouveau programme est de financer l’organisation de rencontres scientifiques d’une durée de trois jours permettant à des chercheurs britanniques et indiens de se rencontrer afin de promouvoir la collaboration et le transfert de connaissances entre les deux pays. Ces rencontres prennent place en Inde ou au Royaume-Uni et les bénéficiaires sont entièrement responsables de tous les aspects de l’organisation de ces rencontres.

=> Programme d’alliance entre l’Inde et le Royaume-Uni pour les carrières en recherche dans le domaine biomédical. Géré par le Wellcome Trust (fondation privée) et le ministère indien des biotechnologies.


Sources :
- Entretiens avec des représentants du BIS et du SIN India
- FCO, SIN India, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/687iP
- Prospectus de coopération en science et technologie, SIN India, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/PzGTM
- DFID, Ministère britannique pour le développement international, http://www.dfid.gov.uk/
- RCUK, Conseils britanniques pour la recherche, http://www.rcuk.ac.uk/Pages/Home.aspx
- British Council, http://www.britishcouncil.org/india.htm
- Newton Fellowships, http://www.newtonfellowships.org/
- Royal Society, http://royalsociety.org/india/


Auteur : Dr Maggy Heintz

publié le 16/05/2011

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