Environnement Quel temps fera-t-il à Londres en 2030 ?
Dans le but de mieux comprendre les interactions entre le changement climatique et les variations météorologiques locales, en particulier les évènements extrêmes tels que les inondations et les vagues de chaleur, un nouveau programme de calcul bénévole et distribué via le logiciel BOINC, a été lancé en novembre 2010. Intitulé Weatherathome (littéralement "le temps qu’il fait à la maison"), celui-ci vise à utiliser les capacités de calcul des ordinateurs d’internautes volontaires pour mettre en oeuvre des modèles de simulation développés par le MetOffice.
Weatherathome fait partie des expériences menées dans le cadre du projet Climateprediction.net dans le but de mieux comprendre les conséquences du changement climatique. En particulier, la série d’expériences que Weatherathome se propose de mener trouve sa justification dans la différence entre l’évolution du climat global de la planète, qui a été largement modélisée et simulée jusqu’à présent, et celle des variations météorologiques locales. Une connaissance plus précise des risques d’évènements climatiques extrêmes tels que les inondations ou les ouragans, ainsi qu’une meilleure compréhension du rôle des émissions de gaz à effet de serre d’origine anthropique devraient découler de cette initiative.
Les modèles climatiques utilisés pour prévoir le changement climatique futur divisent généralement la surface de la planète en éléments de 150 km de côté. Les modèles régionaux au coeur des expériences de Weatherathome travaillent sur de plus petites divisions de 25 km de côté. A cette échelle, il devient possible de modéliser par exemple les précipitations résultant des interactions entre les masses d’air et les reliefs locaux. De par le nombre d’éléments à modéliser, ces modèles sont bien sûr extrêmement lourds à mettre en oeuvre du point de vue informatique. De surcroît, puisqu’on s’intéresse notamment à des évènements climatiques extrêmes dont les occurrences sont par définition peu nombreuses, un grand nombre d’années doivent être simulées pour produire des statistiques utilisables. Ainsi, la puissance de calcul demandée par Weatherathome est très importante. C’est la raison pour laquelle les internautes volontaires sont mis à contribution, car la capacité cumulée de leurs machines dépasse de loin celle des superordinateurs.
Cependant, l’usage de tels modèles régionaux nécessite tant de ressources que trois régions du monde seulement seront modélisées de la sorte : l’Europe, le sud de l’Afrique et l’ouest des Etats-Unis. Les ordinateurs des internautes participant à Weatherathome seront également mis à contribution pour faire des calculs sur des modèles globaux moins précis afin de fixer des conditions de vent, de températures et d’humidité aux limites des trois régions modélisées précisément. Les résultats des simulations sur l’espace européen seront étudiés par le MetOffice Hadley Centre [1] et par les universités d’Oxford, d’Edimbourg et de Leeds. L’Université de Cape Town et l’Oregon State University exploiteront les résultats fournis par les simulations menées respectivement sur l’Afrique et les Etats-Unis.
Les deux types de modèles développés par le MetOffice serviront de base à cinq expériences menées dans le cadre de Weatherathome :
en simulant la période 1960-2010, puis en comparant les résultats fournis avec les observations faites sur la même période en termes, par exemple, de températures à la surface des mers, de concentration des gaz à effet de serre, les modèles utilisés pourront être calibrés ;
une autre expérience consistera à prévoir les évolutions météorologiques locales à partir d’aujourd’hui jusque dans les années 2030, avec une attention particulière accordée aux risques d’inondations, de sécheresse et de températures extrêmes ;
l’estimation du rôle joué par l’Homme dans les évolutions météorologiques sera faite en travaillant encore une fois sur les années 1960-2010 : les paramètres des modèles seront modifiés pour simuler une situation où les émissions de gaz à effet de serre et d’aérosols provenant des activités humaines n’auraient pas eu lieu et les résultats seront comparés aux simulations faites sur la même période à partir d’observations réelles ;
les conséquences météorologiques locales au-delà des années 2030 d’une hausse globale des températures de 2, 3 et 4 °C par rapport à aujourd’hui seront également explorées ;
la dernière expérience est consacrée à l’étude des évolutions météorologiques au cours des 10.000 dernières années (c’est-à-dire la période géologique appelée holocène).
En outre, afin de permettre à ceux qui le souhaitent de mieux comprendre les enjeux et les bases scientifiques du travail effectué par leur ordinateur, des kits d’information à destination des néophytes ou des personnes ayant un bagage scientifique, ont été mis en ligne au cours du mois de décembre 2010 sur la plateforme Climateeducation.net.
L’incertitude existant sur les effets sensibles du changement climatique pour les populations et les écosystèmes des différentes régions du globe est souvent mise en avant. Les résultats apportés par le programme Weatherathome, s’ils sont concluants, devraient ouvrir la porte à des simulations sur l’ensemble des parties du globe et constituer une base d’informations précieuses pour planifier les politiques de lutte contre le changement climatique. En particulier, il sera intéressant de recueillir des informations sur les évolutions météorologiques auxquelles les populations auront à faire face dans un monde dont les températures augmentent de 2, 3 ou 4 °C. De telles informations pourraient certainement constituer des arguments de poids lors de futures négociations internationales sur le climat.
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Berkeley Open Infrasructure for Network Computing (BOINC)
BOINC est un logiciel libre de calcul distribué mis au point par l’Université de Berkeley en Californie qui permet de mobiliser la puissance de calcul inutilisée des machines d’internautes volontaires au bénéfice d’un ou plusieurs projets qu’ils ont choisis. BOINC peut être utilisé par chacun sur tous types de projet, pas nécessairement pour des buts scientifiques. Sa notoriété provient cependant de son utilisation par des organisations impliquées dans l’astronomie, les sciences de la terre, la biologie, la médecine, la climatologie, etc.
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Climateprediction.net
Climateprediction.net est un projet de calcul distribué qui utilise les capacités de calculs des internautes volontaires depuis 2003. Son objectif est d’établir des prévisions sur le climat jusqu’en 2100 et de tester la précision des modèles météorologiques utilisés. Les institutions au coeur du projet, toutes britanniques, sont l’Université d’Oxford, le Rutherford Appleton Laboratory et The Open University. Le projet Climateprediction.net comprend plusieurs séries d’expériences qui visent, par exemple, à évaluer les conséquences de l’utilisation de techniques de géo-ingénierie ou bien à comprendre le rôle des aérosols soufrés sur le climat.
Pour en savoir plus :
[1] "Des institutions britanniques informent les négociateurs sur le changement climatique" - BE Royaume-Uni 105 (14/09/2010) : http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/64453.htm
Sources :
Climateprediction.net website - http://climateprediction.net/
The Guardian, 17/11/10 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/VSgFZ
The Guardian, 17/11/10 - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/3qzmn
BOINC website - http://boinc.berkeley.edu/
Auteur : Joël Constant