La stratégie du nouveau gouvernement en matière d’énergie
Le ministre Chris Huhne (libéral-démocrate), à la tête du Department of Energy and Climate Change (DECC, ministère de l’énergie et du changement climatique), a présenté au Parlement la première déclaration annuelle de la nouvelle législature sur la politique énergétique du Royaume-Uni (Annual Energy Statement). Il satisfait ainsi à l’engagement pris dans le programme de la coalition et montre, après seulement trois mois en poste, l’importance qu’accorde le gouvernement à la définition d’une stratégie claire visant à assurer une production d’énergie suffisante, peu chère et faiblement émettrice de carbone. Faisant le constat que le temps est à l’économie, Chris Huhne souligne que le rôle de l’Etat britannique est de mettre en place des conditions favorables pour que les investissements privés affluent dans le domaine de l’énergie. L’objet de cette déclaration au Parlement est donc de décliner, à travers des actions et des préoccupations concrètes, la stratégie politique envisagée par le gouvernement sur les prochaines années pour se mettre en position d’atteindre, à terme, les objectifs fixés par le Climate Change Act.
Le document publié par le DECC commence par décliner la stratégie gouvernementale en matière d’économies d’énergie. Il s’agit en effet du levier le plus évident (et le moins cher) pour mener à bien la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES). Les actions annoncées dans ce domaine concernent à la fois les particuliers et les entreprises mais aussi le gouvernement lui-même qui se doit de montrer la voie. Pour encourager les particuliers dans leur démarche d’économie d’énergie, le gouvernement met l’accent sur les aides à l’installation d’une isolation performante des habitations et sur le déploiement des compteurs intelligents (smart meters). Il est également question de dispositions spéciales à destination des consommateurs les plus fragiles financièrement qui n’auraient, par exemple, pas les moyens d’engager les frais nécessaires à des travaux d’isolation pour leur logement et ne pourraient donc pas profiter de factures réduites. En ce qui concerne les entreprises et le secteur public, l’objectif affiché est l’amélioration de l’efficacité énergétique. Le gouvernement central souhaitant avoir un comportement exemplaire en la matière, ses 17 ministères se sont déjà engagés à réduire de 10% leurs dépenses énergétiques.
Le deuxième thème abordé dans cet Annual Energy Statement est la réponse au problème de la fiabilité et de la disponibilité de l’énergie issue de technologies faiblement émettrices de carbone. Au niveau international tout d’abord, le gouvernement britannique se propose d’intervenir auprès de Bruxelles pour que soit définie une stratégie énergétique claire pour l’Union Européenne jusqu’en 2020. Par ailleurs, le Royaume-Uni souhaite jouer un rôle moteur sur la scène européenne en proposant de durcir encore les réductions d’émissions prévues à cet horizon. Au niveau national, la déclaration au Parlement comprend une définition des grandes lignes d’une stratégie visant à mettre en place un mix énergétique bas carbone diversifié garantissant une énergie disponible, abordable et peu polluante. Les technologies soutenues par le gouvernement dans cette optique sont en particulier la production d’énergie issue de déchets et de l’énergie marine. De plus, des mesures affectant le réseau seront prises pour assurer la mise en service de ces nouveaux modes de production ainsi que celle des unités de micro-génération. Enfin, le gouvernement, n’ayant pas l’intention de subventionner la production nucléaire, souhaite faciliter les investissements privés dans ce domaine et s’assurer que les opérateurs chargés d’exploiter les centrales prévoient l’allocation de fonds suffisants au traitement des déchets radioactifs.
Le DECC s’intéresse ensuite à la gestion du patrimoine énergétique existant. Sur ce point, aucune action concrète n’est pour le moment envisagée mais la question de la gestion du parc nucléaire existant est soulevée, les enjeux étant le traitement à long terme des déchets radioactifs et la recherche d’une alternative à leur simple stockage. Le gouvernement doit également composer avec des engagements contractés auprès des travailleurs de l’ancienne industrie minière d’Etat.
Pour terminer, la déclaration formulée par le nouveau gouvernement évoque le pilotage des actions menées pour lutter contre le changement climatique aussi bien au niveau national qu’international. Sur ce dossier, le Royaume-Uni, conscient que ce problème ne se règlera pas de manière isolée, entend montrer par ses succès nationaux qu’il est possible de faire la transition vers une économie verte avec succès. Sur un plan global, les priorités fixées par le DECC sont de préserver la place prépondérante de l’Europe dans les technologies vertes et surtout de préparer de manière efficace un accord mondial ambitieux en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, le ministre propose d’agir en amont des négociations qui auront lieu entre le 29 novembre et le 10 décembre 2010 lors du sommet sur le climat à Cancun. Sachant que la conclusion d’un accord contraignant ambitieux lors de ce sommet paraît peu probable, le gouvernement britannique pense néanmoins qu’il est possible de se rapprocher d’un tel accord en insistant sur cinq points clés :
il faut faire en sorte que les pays qui se sont engagés à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre lors du sommet de Copenhague en 2009 et qui ont, depuis, défini des objectifs quantitatifs les respectent ;
la communauté internationale doit débloquer suffisamment de fonds pour aider les pays en développement à traiter les problèmes liés au changement climatique. Le Royaume-Uni maintient son engagement à verser 1,5 Md£ d’ici 2012 dans ce but et souhaite que des avancées concrètes soient faites à la suite des promesses des pays développés de verser 30 Md$ sur la même période ;
des progrès doivent être faits sur la définition d’un cadre régissant la collaboration entre pays sur les technologies bas carbone ;
il faut s’attacher à établir les bases des mécanismes internationaux destinés à soutenir les actions globales à mettre en place ;
des actions concrètes doivent être lancées sur des sujets ayant un poids important dans les émissions des GES : à titre d’exemple, le gouvernement britannique débloque 300 M£ pour traiter le problème de la déforestation.
Cette première déclaration sur la politique énergétique est donc, en plus d’une feuille de route stratégique pour le DECC et le gouvernement britannique, la preuve que la coalition menée par le premier ministre David Cameron considère le changement climatique comme l’un des principaux défis internationaux auxquels elle doit faire face. Cependant, si des actions précises sont listées dans cette déclaration, il y manque encore la plupart des détails chiffrés pour se rendre compte de l’engagement réel du gouvernement. Ceux-ci seront dévoilés à l’automne, à l’issue de la revue des dépenses (Spending Review) dont le but est de diminuer le déficit public britannique.
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En parallèle à la déclaration annuelle sur la politique énergétique du gouvernement, un document de travail intitulé 2050 Pathways Analysis (Analyse des chemins vers 2050) s’intéressant au futur énergétique du Royaume-Uni a été publié. Il présente notamment six voies possibles qui permettraient au pays d’atteindre ses objectifs de réduction d’émission de GES en 2050.
Ces différents chemins sont issus d’un modèle de prévision fondé sur une décomposition en secteurs impliqués dans la production d’énergie (bioénergie, nucléaire, éolien, ...), la consommation d’énergie (éclairage et appareils ménagers, transports, industrie, chauffage et climatisation) ainsi qu’en secteurs dits "non-énergétiques" qui, s’ils ne participent pas à augmenter la demande énergétique, ont un rôle à jouer dans le bilan d’émissions des GES du pays (utilisation des terres, gestion des forêts, des déchets, ...). Pour chacun de ces secteurs, quatre trajectoires ont été définies qui reflètent des niveaux différents d’implication dans la transition vers une économie verte. Des discussions entre experts venant d’ONG, d’universités, et d’entreprises ont permis de quantifier ces trajectoires.
Une fois que l’on dispose de quatre trajectoires pour chacun des secteurs identifiés, il suffit de les combiner (une trajectoire sélectionnée par secteur) pour construire un chemin énergétique vers 2050 et savoir si la demande en énergie est satisfaite. Le modèle permet également d’obtenir une estimation des résultats en termes d’émissions de gaz à effet de serre par rapport au degré d’effort consenti.
La relative simplicité de cet outil a permis au DECC, outre d’en extraire six possibilités analysées dans le document publié, de mettre à disposition du grand public un outil informatique de simulation. Il permet à chacun de jouer sur les efforts consentis dans chaque secteur et d’en voir les conséquences sur l’évolution des émissions de gaz à effet de serre du Royaume-Uni jusqu’en 2050. Pour le DECC, il s’agit d’un moyen de communication efficace à destination des citoyens britanniques. Pour d’autres pays, cet outil est un modèle qu’il semble intéressant de suivre pour informer le grand public sur les stratégies politiques en matière d’énergie.
Ce modèle, tout attrayant et exhaustif qu’il soit, présente cependant plusieurs limites dues à sa simplicité. La principale est qu’il n’est pas capable de modéliser les coûts inhérents à tel ou tel futur énergétique. Par ailleurs, il n’est pas capable de prendre en compte toutes les interactions existant entre les différents secteurs. Enfin, toujours dans le but de rester simple, il repose sur des hypothèses de croissances économique et démographique fixes qui ne permettent pas de modéliser ces paramètres.
Le schéma suivant résume le processus sous-jacent à la construction des voies futures possibles.
Sources :
DECC, "2050 Pathways Analysis" - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/47wyA
DECC, "Annual Energy Statement, DECC Departmental Memorandum" - http://redirectix.bulletins-electroniques.com/1A10S
Auteur : Joël Constant