Les batteries de voitures électriques : bien plus que de simples batteries ?

Le développement massif du parc automobile électrique [1] que certains attendent pour la prochaine décennie et que le gouvernement britannique appelle de ses voeux afin de respecter ses objectifs de décarbonisation de l’économie [2], pourrait aussi se révéler être un véritable cauchemar pour les gestionnaires des réseaux électriques de distribution au Royaume-Uni.

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Point de rechargement à Londres, entre Covent Garden et le Strand
Crédits : frankh

En effet, dans un scénario où plusieurs millions de voitures électriques seraient en circulation, il y a fort à parier que ces millions d’utilisateurs aient le même reflexe de charger leur voiture en rentrant du travail, c’est-à-dire vers 18 ou 19h. Ceci correspond précisément au moment où la demande en électricité est la plus importante et où les réseaux de distribution doivent gérer des flux d’énergie conséquents. Il faut aussi bien garder à l’esprit que le rechargement d’une voiture est une charge non négligeable par rapport à la consommation d’un foyer standard. Bien sûr, si on s’intéresse à une moyenne au niveau national, l’impact n’est pas nécessairement énorme, mais le principal problème réside dans les grappes de points de chargement qui vont s’établir dans certaines zones du réseau.
Agrégateur de véhicules électriques

Afin d’éviter une surcharge des réseau lorsqu’un grand nombre d’utilisateurs rechargent leur voitures au même moment, des chercheurs de l’Université de Cardiff travaillent sur le développement de logiciels qui permettraient aux Distribution Network Operators (DNO, gestionnaires des réseaux de distribution) de gérer un grand nombre de cycles de chargement et déchargement de batteries de voitures électriques, en les traitant comme une seule unité de génération ou de consommation. Grâce à ce type de logiciel, les batteries de voitures des particuliers pourraient également servir pour stocker de l’électricité produite en période de basse demande. Ceci pourrait se révéler crucial pour gérer l’intégration de grandes quantités d’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelables qui sont également intermittentes (par exemple, l’électricité éolienne n’est pas nécessairement produite au moment où les consommateurs en ont besoin).

Ce type de logiciel, qui sera développé sur deux ans grâce à un financement de l’Engineering and Physical Sciences Research Council (EPSRC, Conseil pour la recherche en sciences physique et en ingénierie) en partenariat avec des sociétés comme EON, est appelé "EV aggregator". Il vise à gérer la relation entre les points de chargement individuels et le réseau électrique à travers la prévision de l’énergie dont auront besoin les voitures et le prix du marché à différentes périodes de la journée. Ce logiciel agrégateur pourra soit contrôler une grappe de points de chargement chez des individus ou gérer un unique point de connexion au réseau qui fournit de l’électricité à plusieurs bornes de chargement, comme sur un parking de supermarché ou de bureaux.

Après une période initiale d’analyse des données issues des différentes expérimentations d’utilisation de véhicules électriques, afin de mieux comprendre le comportement des utilisateurs, les ingénieurs développeront des algorithmes pour gérer ces agrégateurs, puis les testeront grâce à des simulations. Le comportement potentiel des particuliers et encore mal connu par les DNO : à quel moment exact de la journée doit-on s’attendre à ce qu’ils rechargent leur voiture ? Le rechargement des voitures sur les parkings des supermarchés peut-il être considéré comme aléatoire ? Trois modèles de gestion des véhicules électrique seront développés :
- l’un contrôlé par un programme central ;
- un également centralisé, mais où un certain degré de liberté de décision sera accordé à travers une hiérarchie de systèmes locaux ;
- un modèle où les voitures électriques prennent les décisions en fonction d’informations partagées. Cette dernière approche nécessitant que chaque véhicule soit équipé d’un logiciel intelligent compatible, ce qui peut être difficile à obtenir des constructeurs.

Des voitures-batteries ?

L’intégration toujours croissante de quantité d’électricité d’origine renouvelable conduit donc les scientifiques à s’intéresser aux moyens de gérer les batteries de véhicules électriques comme un moyen d’optimiser la demande en électricité et également comme un moyen de stockage afin de lisser la courbe de consommation. Autant d’étapes qui vont dans le sens de l’établissement d’un réseau électrique intelligent au Royaume-Uni [3]. Mais les chercheurs s’intéressent également aux batteries elles-mêmes.

Au-delà des efforts pour développer des technologies augmentant leur capacité ou réduisant leur durée de rechargement, des ingénieurs d’Imperial College London, en partenariat avec Volvo, s’intéressent également à de nouveaux matériaux capables de stocker de l’électricité et qui soient suffisamment légers et solides pour être employés pour fabriquer ... des morceaux de la voiture elle-même ! Ce projet de 3,4 M euros débuté l’an dernier, s’intéresse à des matériaux composites à base de fibres de carbone qui pourraient être utilisés pour fabriquer les portières ou divers autres éléments de carrosserie des voitures du futur. Ces matériaux auraient également des applications pour rendre plus légers des objets comme les téléphones ou ordinateurs portables.

Les batteries des voitures électriques font donc l’objet de nombreuses recherches au Royaume-Uni, ce qui s’est encore confirmé mi-septembre par l’annonce par cinq universités (Oxford, Imperial College, Coventry, Cranfield et Loughborough) d’explorer comment le secteur automobile britannique peut améliorer certaines technologies cruciales, dont les batteries et super-capacités, qui sont considérées comme des composants clefs sur lesquels les recherches doivent se concentrer. Ce projet, FUTURE (Fundamental Understanding of Technologies for Ultra Reduced Emissions, compréhension fondamentale des technologies pour des émissions ultra réduites) cherche à aider les constructeurs à développer des innovations qui conduiront à des voitures moins chères et plus efficaces.

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Les DNO ou Distribution Network Operators sont les gestionnaires des 14 réseaux qui distribuent l’électricité des principales lignes transportant l’énergie produite par les centrales, jusqu’aux particuliers. Depuis la privatisation du marché de l’électricité dans les années 1990, sept compagnies ont reçu des licences pour opérer ces réseaux de distribution. Les DNO sont également responsables de l’allocation du numéro de référence à 21 chiffres qui identifie les points de fourniture d’électricité (comme les résidences des particuliers).

Jusqu’en novembre 2010, EDF Energy était l’un de ces opérateurs avant de vendre ses réseaux de distribution à UK Power Network, et de se concentrer sur la génération d’électricité (incluant 9 GW de production d’origine nucléaire, ainsi que des centrales à charbon, à gaz et des fermes éoliennes).


Pour en savoir plus :
- [1] Voir le dossier sur l’avenir des transports automobiles au Royaume-Uni, mai - juin 2011, http://www.bulletins-electroniques.com/rapports/smm11_020.htm
- [2] Voir l’article "Le gouvernement réaffirme son soutien au développement de véhicules propres", BE Royaume-Uni 106 (9/11/2010), http://www.bulletins-electroniques.com/actualites/65045.htm
- [3] Voir le dossier "Les réseaux électriques intelligents dans la stratégie énergétique du Royaume-Uni" - http://www.bulletins-electroniques.com/rapports/smm11_030.htm


Sources :
- The Engineer, 25/08/2011, http://bit.ly/opI43X
- Imperial College, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/DoK0b
- The Engineer, 15/09/2011, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/H5cEa


Auteur : Olivier Gloaguen

publié le 21/11/2011

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