Une solution "pragmatique et sûre" pour les Français au Royaume-Uni

Covid-19 - Royaume-Uni - Brexit - Union européenne - Entretien de M. Clément Beaune, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères chargé des affaires européennes, avec « BFM TV » (extrait)

(Paris, 23 décembre 2020)

(...)

R - Sur la situation avec le Royaume-Uni, nous avons pris dimanche une mesure qui était une mesure d’urgence et de précaution, dure, mais qui était nécessaire pour la protection sanitaire compte tenu des alertes que nous avons reçues pendant le week-end des autorités britanniques. Et nous avons dit, pour nos ressortissants notamment, dès dimanche soir, que nous cherchions une solution, que nous les encouragions à faire des tests PCR, parce que ce sont ceux qui sont les plus complets.

Et nous avons hier soir annoncé après discussion avec nos partenaires européens, après échange avec les autorités britanniques, une solution pragmatique et sûre pour nos ressortissants en particulier. Si vous êtes ressortissant français, ressortissant européen au Royaume-Uni, ou un résident britannique permanent en France, vous pouvez revenir, à la condition stricte de présenter avant l’embarquement un test négatif de moins de 72 heures, PCR ou pour faciliter les choses, antigénique, parce qu’il est plus rapide, moins coûteux, et nous avons même très concrètement mis en place une liste sur Internet qui montre toute la liste des tests antigéniques qui sont reconnus et sensibles à la nouvelle version du virus.

Q - Cela veut dire que vous estimez que la situation est, d’un point de vue sanitaire, suffisamment maîtrisée pour pouvoir autoriser ces retours avec un test, même si, on le sait, les tests ne sont pas toujours fiables, notamment les tests antigéniques ?

R - Alors, on est très prudent. Le principe reste qu’on ne doit pas circuler. Donc ce n’est pas un encouragement à venir pour n’importe quel motif. Mais nous sommes en période de fêtes, nous avons nos ressortissants : nous cherchons toujours des solutions pour nos ressortissants, c’est notre responsabilité. Donc c’est très encadré. Mais on estime que c’est suffisamment sûr et fiable d’avoir un test PCR de moins de 72 heures, ou, vous avez raison, ils sont parfois un peu moins sensibles, un peu moins fiables, les tests antigéniques - c’est pour cela qu’on a une liste très spécifique dont on sait qu’ils sont sensibles aux variants de ce virus, que nous avons définie hier avec notre ministère de la santé, et qui est précisée sur Internet pour tous ceux qui veulent les faire.

Je veux dire aussi que la France a fait cette coordination européenne. Nous ne sommes pas les seuls à avoir ces quelques flexibilités limitées. Mais nous avons aussi un rôle particulier, parce que les flux, notamment de marchandises entre la France et le Royaume-Uni, ce sont des flux pour toute l’Europe. Nous sommes le hub, si je puis dire, la plate-forme, le noeud central de la relation entre le Royaume-Uni et l’Europe - par le tunnel sous la Manche, par l’arrivée des marchandises -. Donc nous devions aussi encadrer les choses, mais laisser ce passage précis sûr et encadré sanitairement.

Q - Juste sur les tests PCR : vous avez souligné le coût en effet, parfois jusqu’à 200 euros. Alors quand c’est une famille… c’est énorme !

R - Bien sûr. Je veux dire qu’en France, les tests sont gratuits, ce qui coûte aussi à nos compatriotes ; que le gouvernement légitimement fait des efforts pour faciliter ces tests. Et ce n’est pas le cas de tout le monde, voir au Royaume-Uni. C’est coûteux et c’est parfois long. C’est pour cela qu’on avait dit dès dimanche soir, « si vous pouvez le faire, faites-le ». Et les tests antigéniques, c’est souvent beaucoup plus rapide, plus facilement disponible, et moins coûteux. Donc c’est aussi une des raisons pour lesquelles, dès lors qu’ils sont fiables pour le variant du virus, nous les avons autorisés.

Q - Y’aura-t-il assez de trains, assez d’avions, assez de bateaux pour rapatrier tous ceux qui le souhaitent ? Parce que vous demandez un effort particulier à l’Eurostar, par exemple…

R - J’ai échangé avec le ministre des transports, M. Djebbari, encore hier. Nous adapterons l’offre au maximum au trafic nécessaire. Pour l’instant, ce que l’on a vu, c’est que ces derniers jours, le trafic était plutôt, sur les trains et sur les avions, assez réduit. Il y aura sans doute un petit accroissement lié aux fêtes. Mais nous adapterons au maximum avec les opérateurs l’offre, bien sûr, pour que cela se passe dans de bonnes conditions.

Q - Alors vous avez évoqué à l’instant les fameux camions - on a vu ces files d’attente interminables dans le sud de l’Angleterre - ces camions qui attendaient de pouvoir traverser la Manche. Donc ils peuvent le faire, là aussi, selon la même méthode ?

R - Selon la même méthode. C’est pour ça qu’on a pris quelques heures de plus parce qu’il ne s’agit pas de poser un principe, il faut que les choses marchent dans la vraie vie, donc on a défini avec le ministère des transports britannique, avec le gouvernement britannique, des lieux où les routiers, avant de passer de l’autre côté, d’embarquer notamment dans le tunnel, pourront faire des tests rapides, antigéniques. C’est organisé avec les autorités britanniques parce qu’il faut des lieux importants pour organiser tout cela. On a vu les files de camions, vous le montrez à l’image, c’est très impressionnant. Ce n’est pas une décision politique, nous avons pris une décision sanitaire. Mais je veux quand même dire à tous ceux qui nous expliquent que la seule réponse, à tout, c’est de fermer toujours, de manière permanente, définitive, les frontières, que ça n’est pas si facile que ça, au contraire. Et ça pénalise même parfois nos usines, on l’a vu avec Toyota, notre économie . Donc on va trouver des solutions, sûres sanitairement, avec ces tests faits avant l’embarquement.

Q - Est-ce qu’il y a un risque de pénurie du coup ? Parce que bon, on le voit bien, tous ces camions ne vont pas pouvoir rentrer aussi vite que prévu ?

R - Non, il n’y a pas de risque de pénurie pour la France et pour nous, aucun. Il y a, pour certaines entreprises des difficultés, pour les produits frais ou très frais. Cela a été difficile parce qu’il y a eu des produits qui ont été perdus, c’est quelques jours d’attente, on voit bien que les choses vont assez vite. C’est aussi une des raisons pour lesquelles, avec un protocole sanitaire très encadré, on voulait re-autoriser ce passage mais non, ne faisons pas peur, il n’y a pas de risque de pénurie. C’est beaucoup plus pénalisant pour les Britanniques qui ont accumulé les stocks ces dernières semaines en vue du Brexit, on l’a vu.

Q - Un dernier mot sur le Royaume-Uni : là, vous avez pris une décision qui est toujours temporaire ?

R - Oui, jusqu’au 6 janvier.

Q - Jusqu’au 6 janvier ? C’est qu’après le 6 janvier, la situation pourra à nouveau évoluer en fonction de la propagation de l’épidémie au Royaume-Uni ?

R - Exactement. On doit s’adapter en permanence aux informations sanitaires. Donc nous avons pris, comme l’Allemagne, une mesure jusqu’au 6 janvier et nous adapterons dans tous les premiers jours de 2021 le dispositif, si besoin.

Q - Clément Beaune, question maintenant sur le vaccin et la coopération européenne, puisqu’on le sait, les 27 membres de l’Union européenne vont lancer, en même temps, cette campagne de vaccination. Vous le confirmez d’ailleurs ce matin, il n’y aura pas les uns le 27, les autres le 28 ?

R - On a donné une fenêtre de tir parce que les pays peuvent s’organiser un peu différemment. Il y a des pays où le dimanche, c’est des jours de visites, etc, dans les maisons de retraite ou dans les EHPAD, donc chacun peut avoir une petite flexibilité. Mais on a une fenêtre de trois jours, je pense que c’est quand même bien coordonné, pendant laquelle les Européens vont, ensemble, lancer la période de vaccination. La première phase, et dans la plupart des pays, ce sera dimanche, le ministre de la santé l’a dit pour la France, et cela sera le cas aussi pour l’Allemagne. C’est un vrai succès européen honnêtement, on achète moins cher, on parlait du Royaume-Uni. Au Royaume-Uni, les achats de doses sont jusqu’à 1,5 fois, 2 fois plus élevés, plus coûteux, qu’en France, grâce à l’achat européen que nous avons fait ensemble. Donc je veux aussi souligner cette dimension : on est mieux protégés, à un coût moins élevé, et avec une vaccination coordonnée en Europe.

Q - Regardez ces images Clément Beaune, images en direct de Belgique, où des camions s’affairent autour d’une usine pour récupérer les premiers vaccins et les acheminer, notamment en France.

R - Absolument, c’est une usine en Belgique qui produit le premier vaccin, le vaccin Pfizer/BioNTech. Je souligne que c’est aussi cette usine qui produit les vaccins qui ont été livrés au Royaume-Uni il y a quelques jours. Donc vous voyez que la dimension européenne est forte là aussi, et qu’on ne peut pas se couper les uns des autres. Ces camions vont apporter les premières doses dans les heures qui viennent en France.

Q - Ce qu’on a réussi à faire sur le vaccin, la coopération européenne, on n’arrive pas à le faire sur la fermeture des frontières, avec le Royaume-Uni, où chacun est parti un peu dans tous les sens, c’est plus compliqué ?

R - Je veux bien qu’on critique mais regardez honnêtement ce qui s’est passé dimanche. On a l’information sanitaire le samedi soir du Royaume-Uni. Le Président de la République parle à la chancelière Merkel le dimanche matin et 18 pays européens prennent une mesure de fermeture dans la journée de dimanche. On n’a pas trainé, on s’est coordonné, on a fait la même chose, à peu près, mais dans les grandes lignes on a fait franchement la même chose, et aujourd’hui on est encore en train de se coordonner pour que les protocoles de tests, etc… soient les mêmes entre le Royaume-Uni et les autres pays européens. Tout n’est pas parfait, mais quand on voit le vaccin, quand on voit ces mesures-là, honnêtement, l’Europe de la santé a quand même fait des pas de géant en quelques semaines./.

publié le 09/09/2021

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