Un savon magnétique à Bristol
Une équipe internationale, incluant des chercheurs de l’université de Bristol, dont le professeur Julian Eastoe, et de l’Institut Laue-Langevin à Grenoble, a mis au point un savon composé de sels riches en fer qui répond à un champ magnétique lorsqu’il est placé en solution. Cela signifie que ce savon et les particules qui y adhèrent peuvent être facilement retirés en plaçant un aimant, comme le montrent l’image ci-contre et une vidéo [1]. Cette découverte ouvre de nouveaux horizons dans la lutte contre les marées noires et pourrait révolutionner les produits de nettoyage industriel.
A gauche, un détergent classique, à droite, un détergent avec des atomes de fer. Celui-ci est sensible au champ magnétique de l’aimant plongé dans la solution (une couche d’hydrocarbures s’y accroche)
Crédits : Institut Laue-Langevin et Université de Bristol
Les scientifiques ont depuis longtemps cherché à contrôler les savons (ou surfactants), afin notamment d’accroître leur capacité à dissoudre les huiles et les retirer plus facilement. Dans ce domaine, l’université de Bristol, qui travaille en étroite collaboration avec le Krüss Surface Science Centre (KSSC), figure certainement parmi les laboratoires les plus avancés. Les équipes de Bristol ont ainsi déjà étudié des savons sensibles à la lumière, au dioxyde de carbone, aux variations de pH, à la température ou encore à la pression.
Les savons sont composés de très longues molécules dont les extrémités présentent la faculté de se comporter différemment : l’une est attirée par l’eau (hydrophile) et l’autre en est repoussée, mais attire les corps gras (extrémité hydrophobe et lipophile). L’action détergente d’un savon provient de cet∆te capacité à s’attacher aux molécules grasses par cette tête lipophile, puis de s’assembler pour former des gouttelettes (appelée micelles) autour de ces corps gras avec toutes les extrémités hydrophiles tournées vers l’extérieur. Les surfactants liquides contiennent typiquement des complexes métalliques (des métaux lourds comme le fer, associés à des halogénures comme l’ion bromure ou chlorure), ce qui pouvait suggérer qu’il soit possible de les contrôler par des aimants, mais ces centres métalliques sont trop isolés pour être magnétiquement sensibles.
Les chercheurs ont mis au point une méthode qui permet de dissoudre du fer dans des surfactants, en créant des petits groupes métalliques de taille nanométrique, les rendant alors sensibles à l’application d’un champ magnétique. Pour prouver l’existence de ces noyaux métalliques, ils ont eu recourt à un instrument appelé Large dynamic range small-angle diffractometer D222 de l’Institut Laue-Langevin, l’un des principaux laboratoires mondiaux en science des neutrons. En effet, les particules de surfactant en solution sont trop petites pour pouvoir être observées par des techniques classiques utilisant la lumière, mais peuvent être révélées par une approche appelée small angle neutron scattering (SANS, diffusion de neutrons à angle faible) qui permet d’étudier le comportement des matériaux à des échelles du nanomètre au dixième de micron.
Le champ potentiel d’application pour de tels surfactants aux propriétés magnétiques est très large. Le fait qu’ils soient sensibles à un champ magnétique signifie que certaines de leurs propriétés pourraient être contrôlables : conductivité électrique, point de fusion, taille et forme des agrégats, ou encore facilité à se dissoudre dans l’eau. Ces propriétés, fondamentales dans l’application des savons aux usages industriels, sont pour le moment contrôlées par l’ajout de charges électriques, ou encore par des variations du pH, de la température ou de la pression, c’est-à-dire par l’altération du système. Ces propriétés magnétiques pourraient également permettre de retirer plus facilement le surfactant d’un système, avec de nombreuses applications possibles dans le traitement des eaux ou des nappes de pétrole.
Pour en savoir plus :
[1] Vidéo disponible : http://youtu.be/r2pb8KkELnQ
[2] http://redirectix.bulletins-electroniques.com/IhWKa
Sources :
Université de Bristol, Bristol scientists produce world’s first magnetic soap, 23/01/2012, http://www.bris.ac.uk/news/2012/8179.html
Institut Laue-Langevin, UK scientists produce world’s first magnetic soap, 25/01/2012, http://redirectix.bulletins-electroniques.com/yyRtr
Brown, P., Bushmelev, A., Butts, C. P., Cheng, J., Eastoe, J., Grillo, I., Heenan, R. K. and Schmidt, A. M. (2012), Magnetic Control over Liquid Surface Properties with Responsive Surfactants. Angewandte Chemie International Edition. doi : 10.1002/anie.201108010
Auteur : Olivier Gloaguen