> L’Université de Cambridge adopte une nouvelle politique pour la propriété intellectuelle - jan 2006

La polémique qui agite depuis près de cinq ans l’Université de Cambridge (cf. Actualités scientifiques au Royaume-Uni, octobre 2002, p.8) va-t-elle s’éteindre avec le vote qui a eu lieu au cours du mois de décembre 2005 ? En effet, l’université avait jusqu’à présent conservé une politique de gestion de la propriété intellectuelle (PI) différente de la plupart de ses consoeurs : si, depuis 1987, la PI issue des travaux de recherche financés « en externe » par exemple par les conseils de recherche ou par des fondations caritatives appartient à l’université, les universitaires conservaient jusqu’à présent la propriété du reste. En fait, Cambridge était la dernière université britannique dont les chercheurs pouvaient posséder totalement certains de leurs brevets. C’est cette situation que la direction de l’université souhaitait modifier afin de mettre en place une politique de gestion similaire à ce qui se pratique par exemple à Imperial College ou à l’Université d’Oxford : dans ces institutions, la PI appartient à l’université. Selon la direction de l’université, les principaux points de la nouvelle politique soumise au vote sont les suivants :

- assurer le copyright (les droits d’auteur) de leurs travaux aux créateurs, en préservant ainsi la liberté académique ;
- maintenir le droit des universitaires à placer leurs inventions dans le domaine public ;
- revendiquer pour l’université la propriété des droits de PI lorsque la décision est prise de breveter les inventions et assurer ainsi que l’université est au courant des travaux produits en utilisant ses ressources et peut donc protéger les intérêts de tous les inventeurs ;
- prévoir des voies claires de transfert et de développement des technologies.

Dans le cadre de cette nouvelle formule, les inventeurs recevraient 90 % des revenus jusqu’à 100 000 livres par an et cette proportion diminuerait jusqu’à atteindre 30 % des revenus à partir de 200 000 livres.

L’université justifie ses propositions en arguant du fait qu’elles devraient fournir un cadre équitable et flexible à toutes les personnes impliquées dans des travaux universitaires. En particulier, elle estimerait que le système actuel peut pénaliser les jeunes chercheurs qui contribuent aux découvertes et qui, parfois, n’en retirent aucun bénéfice tandis que des chercheurs plus confirmés peuvent s’enrichir significativement. En outre, les universitaires peuvent manquer d’expérience et de compétences lorsqu’ils négocient avec des venture capitalists. Toujours selon l’université, les dispositions proposées fournissent des directives claires quant à la propriété des droits de PI et devraient éviter les litiges et les actions en justice coûteuses tout en protégeant les intérêts du personnel universitaire et des étudiants.

Mais tous les professeurs de Cambridge ne l’entendent pas de cette oreille et le débat a fait rage, et fait toujours rage même après l’annonce des résultats du vote qui a vu plus de 70 % du millier de participants au scrutin voter en faveur de la proposition de la direction (790 pour, 249 pour une proposition modifiée et 49 contre). Les opposants estiment, entre autre, que les nouvelles règles vont décourager les entrepreneurs et porter atteinte à la croissance économique de la région de Cambridge. Connue sous le nom de Silicon Fen (par analogie avec la Silicon Valley californienne), cette région abrite plus de 900 compagnies de haute technologie. Les détracteurs de la proposition de la direction craignent qu’elle ne sape l’autonomie des universitaires, qu’elle ne décourage les venture capitalists d’investir dans les jeunes pousses et les programmes innovants, du fait notamment des lourdeurs administratives liées à la centralisation de la gestion. Enfin, ils s’inquiètent également de la possibilité d’un accord entre l’université et un partenaire unique, similaire à celui passé en 2001 entre le département de chimie de l’Université d’Oxford et la compagnie IP2IPO (cf. Actualités scientifiques au Royaume-Uni, p. 23) ; IP2IPO a versé 20 millions de livres (environ 29 millions d’euros) au département de chimie en échange d’une participation dans toutes les compagnies créées à partir des travaux des universitaires, et ce durant une période de 15 ans.

Le Technology Transfer Office, l’administrateur actuel des droits de PI de l’Université de Cambridge, devrait se voir attribuer la charge de la gestion du nouveau système tout en améliorant son efficacité. Il semblerait que l’université souhaiterait faire de ce bureau une compagnie indépendante.

Par ailleurs, la direction de l’université a assuré les universitaires récalcitrants du fait que les propositions seraient modifiées ultérieurement, afin de préciser que les inventions ne pourraient être brevetées qu’avec le consentement des inventeurs.


Sources : Cambridge University, 14/12/05 ; Nature Biotechnology, septembre 2005, vol. 23, 9, 1047-1049 ; Science, vol 310, 9/12/05, p. 1597 ; The Financial Times, 13/12/05, ; Patent Baristas, 5/12/05 ; The Times, 27/11/05


Auteur : Dr Anne Prost

publié le 06/03/2006

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